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3 septembre 2011 6 03 /09 /septembre /2011 16:05

    Jean Follain 

 

Choix de textes

 


LES LIVRES ET L'AMOUR


Les livres dont s'emplit la chambre comme
des harpes éoliennes s'émeuvent quand
passe le vent venu des orangers
et la lettre dans la page incrustée
se retient
au blanc papier de lin
et la guerre au loin tonne
dans cet automne flamboyant
tuant la maîtresse avec l'amant
au bord d'un vieux rivage.


extraits du livre Exister, (Territoire) de Jean Follain. Éditions Gallimard, 1969.Page 97

 

Parler seul


Il arrive que pour soi
l'on prononce quelques mots
seul sur cette étrange terre
alors la fleurette blanche
le caillou semblable à tous ceux du passé
la brindille de chaume
se trouvent réunis
au pied de la barrière
que l'on ouvre avec lenteur
pour rentrer dans la maison d'argile
tandis que chaises, table, armoire
 s'embrasent d'un soleil de gloire.
extraits du livre Exister de Jean Follain. Éditions Gallimard, 1969, page 15

 

La Cour murée

 

Il est seul dans la cour murée
avec un jouet dont bat
le ressort fatigué
une plume s'envole
qui s'en vient retomber
sur la terre où s'affrontent
les forces de l'amour
celles aussi de la peur.
Le mur étincelle
son faîte est recouvert
de ces gros tessons verts
arrêtant les voleurs.

extraits du livre Exister de Jean Follain. Éditions Gallimard, 1969. Page 25

 

LES PAS


Les pas entendus
le corps, les visages, les mains
se fondent au village
à grands arbres sculptés.
Il n'y a plus de temps à perdre
répète une voix.
Ce sont pourtant les mêmes pas
que dans la glaise des matins où
brillaient le cuivre et l'étain.
L'avenir se cache dans les plis
des rideaux figés
le pain fait la chair.


extraits du livre Exister de Jean Follain. Éditions Gallimard, 1969. Page 50

 

DES HOMMES


Au milieu d'un grand luminaire
on voyait discuter des hommes
en proie à la grande peur
d'autres pleuraient      ,
on trouvait aussi les amants
de la secrète beauté
ils gagnaient les anciens faubourgs
et rejoignaient leurs compagnes
marchant pieds nus
sur les planchers de bois blanc
pour ne pas réveiller.


extraits du livre Exister de Jean Follain. Éditions Gallimard, 1969. Page 40

L’anecdote

 

L'unique peintre de ce bourg
repeignait la boutique austère
et fredonnait
quand de la gare s'en revenaient
les deux uniques voyageuses
indifférentes à cet amour
que mettait partout le printemps
mais il est des chants qui poursuivent
et que nous ramène une brise.
O monde je ne puis te construire
sans ce peintre et sans ces deux femmes.

extraits du livre Exister de Jean Follain. Éditions Gallimard, 1969.page 89

 

LES HANGARS DE LA PLAINE

 

Des corbeaux attendent pâture
au-dessus de la plaine
ombres et reflets
sur les toits se défont.
Ici même il y a des années
avec circonspection
deux mains prodiguaient l’amour
à l’homme noueux dont la vie a passé.
Les grands hangars
ne recueillent plus rien
que bois mort, poussière,
parfois un oiseau sanglant
à plumage bleu.

 

Jean Follain, in André Dhôtel, Jean Follain, coll. Poètes d’aujourd’hui, Seghers, 1956, 1972, p. 169.

 

Exil

 

Le soir ils écoutent
la même musique à peine gaie
un visage se montre
à un tournant du monde habité
les roses éclosent
une cloche a tinté sous les nuées
devant l’entrée à piliers.
Un homme assis répète à tout venant
dans son velours gris
montrant les sillons à ses mains
moi vivant personne ne touchera
à mes chiens amis.

Appareil de la terre, Gallimard, 1964, p. 72 et 54.

 

Quincaillerie

 

Dans une quincaillerie de détail en province
des hommes vont choisir
des vis et des écrous
et leurs cheveux sont gris et leurs cheveux sont roux
ou roidis ou rebelles.
La large boutique s'emplit d'un air bleuté,
dans son odeur de fer
de jeunes femmes laissent fuir
leur parfum corporel.
Il suffit de toucher verrous et croix de grilles
qu'on vend là virginales
pour sentir le poids du monde inéluctable.
Ainsi la quincaillerie vogue vers l'éternel
et vend à satiété
les grands clous qui fulgurent.

 

Usage du Temps, Gallimard,1941

 

L’ASSIETTE

 

Quand tombe des mains de la servante
la pâle assiette ronde
de la couleur des nuées
il en faut ramasser les débris,
tandis que frémit le lustre
dans la salle à manger des maîtres
et que la vieille école ânonne
une mythologie incertaine
dont on entend
quand le vent cesse
nommer tous les faux dieux.

extraits du livre Exister, (Territoire)de Jean Follain. Éditions Gallimard, 1969. Page 116

Le pain

 

Elle disait: c’est le pain
et de son lit étroit
le garçon répondait: merci
et la porteuse lisse et noire
déposait la livre à la porte
en bas se crispait
un jardinet sans fleurs
d’elle à lui il n’y eut jamais
que ces paroles sans aigreur
et qui montaient parmi tant d’autres
dans les matins blancs échangées
pour la vie
des corps par le monde.

extraits du livre Exister de Jean Follain. Éditions Gallimard, 1969. Page 67

Au pays

 

Ils avaient décidé de s’en aller
au pays
où la même vieille femme
tricote sur le chemin
où la mère
secoue un peu l’enfant
lui disant à la fin des fins
te tairas-tu, te tairas-tu ?
Puis dans le jeu à son amie
la fillette redit tu brûles
et l’autre cherche si longtemps
si tard – ô longue vie –
que bientôt les feuilles sont noires.

 

extraits du livre Exister , (Territoire) de Jean Follain. Éditions Gallimard, 1969. Page 112

Vie

 

Il naît un enfant
dans un grand paysage
un demi-siècle après
il n’est qu’un soldat mort
et c’était là cet homme
que l’on vit apparaître
et puis poser par terre
tout un lourd sac de pommes
dont deux ou trois roulèrent
bruit parmi ceux d’un monde
où l’oiseau chantait
sur la pierre du seuil.

 

extraits du livre Exister, (Territoire) de Jean Follain. Éditions Gallimard, 1969. Page 131

L'ÉCOLE ET LA NATURE


Intact sur le tableau
dans la classe d'un bourg
un cercle restait tracé
et la chaire était désertée
et les élèves étaient partis
l'un d'eux naviguant sur le flot
un autre labourant seul
et la route allait serpentant
un oiseau y faisant tomber
les gouttes sombres de son sang.


extraits du livre Exister de Jean Follain. Éditions Gallimard, 1969. Page 87

INEFFABLE DE LA FIN

Quand la dernière ménagère sera morte
tenant l'étoffe
raccommodée par ses doigts minces
les étoiles brilleront encore,
les griffons des blasons
s'envoleront en cendre.

ô nuit de l'être
éternel feuilletage
des ardoises du toit
et des pâtisseries blondes;
le monde pèsera son poids
avec toutes ses mains de dulcinées
dans son ciment froid enfermées.

extraits du livre Exister de Jean Follain. Éditions Gallimard, 1969. Page 72

 

PROMENEUR

 

Qui donc porte manteau à col de velours
et ce chapeau rigide et sombre
alors qu’est venu le moment
que les peaux les plus douces
se lassent des caresses
et vont chercher la paix des ombres ?
Ils peuvent bien tous dormir
l’âne, le bœuf et le vieux lièvre
lui veille dans le chemin qui mène
à la maison jaune à solives
et fait tourner entre ses doigts
une feuille mince cueillie à la haie.

extraits du livre Exister de Jean Follain. Éditions Gallimard, 1969. Page 159 (quatrième version d’un poème !)

 

 

Page franchie

Dans un bureau un jour de moyenne tristesse
le papier boit
près d’un pain éventré l’encore noire
dans l’heure qui sonne
un minuscule insecte entièrement vivant
frémit, franchit brun-rouge
la page écrite.

Jean Follain, Es

 

 

La paix
Un voyou appelé Trompe-la-Mort
une fille que bleuissaient ses coups
sur une ville bâtie à chaux et à sable
dans un bloc du temps
mil neuf cent dix
arrivaient à vivre et à mourir.
Les chapeaux hauts de forme
couleur de fumée
se voyaient dans les rues atones.
Un homme appelait son frère
une femme se tuait par amour
quelques-uns prédisaient la guerre
pour un jour.
Jean Follain




LES JARDINS


« S’épuiser à chercher le secret de la mort
fait fuir le temps entre les plates-bandes
des jardins qui frémissent
dans leurs fruits rouges
et dans leurs fleurs.
L’on sent notre corps qui se ruine
et pourtant sans trop de douleurs.
L’on se penche pour ramasser
quelque monnaie qui n’a plus cours
cependant que s’entendent au loin
des cris de fierté ou d’amour.
Le bruit fin des râteaux
s’accorde aux paysages
traversés par les soupirs
des arracheuses d’herbes folles. »



L’ATLAS


« Presque femme une fillette
lavait
un linge à dentelles et jours
au fleuve gravé finement
dans l’atlas qu’emportait
un fils de la vallée
vers la ville aux tours penchées
et sous son bras déjà fort
sans rien regarder des arbres
il tenait farouchement
les figures du monde entier. »



*


« Il n’y a plus de guerre. L’océan est loin. Le fleuve large qui
traverse la cité reflète dômes et arcades. Des gens dorment
déjà, s’étant établi un lit de chiffons et de papiers. C’est le
premier jour d’hiver. Dans la nuit tôt venue roulent des
voitures à moteur. Il n’y a presque plus de chevaux; Pourtant
le martèlement de sabots de l’un d’eux demeure assez
familier pour ne pas étonner, non plus le son des grelots du
collier, chef-d’œuvre d’un bourrelier levé à la première aurore,
maître de soi et pourtant sujet aux angoisses des nuits. »
_________________

 

Jean Follain

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