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27 octobre 2012 6 27 /10 /octobre /2012 12:35

DICKINSONEMILY DICKINSON

40 POÈMES

 traduction française par Charlotte Melançon

 

Pdiknson

115

Quelle est cette auberge

Où pour la nuit

Vient un insolite voyageur?

Qui est l'aubergiste?

Où sont les servantes?

Regarde, quelles chambres étranges!

Pas de feu qui rougeoie dans l'âtre—

Pas de chopes qui débordent—

Nécromancien! Aubergiste!

Qui sont-ils ceux d'en-bas?

153

La poussière est le seul secret—

La mort, la seule

Dont on ne puisse tout apprendre

Dans son «village natal».

Personne n'a connu «son Père»—

N'a jamais été un enfant—

N'a jamais eu de camarades,

Ou de «vieilles histoires» —

Laborieuse! Laconique!

Ponctuelle! Paisible!

Hardie comme un bandit!

Plus silencieuse qu'une flotte!

Bâtit comme un oiseau, aussi!

Le Christ vole le nid—

Un merle, puis un autre,

Passés en fraude à l'éternité!

158

Je meurs! je meurs dans la nuit!

Quelqu'un apporterait-il la lumière

Que je puisse voir quelle route prendre

Dans l'immortelle neige?

Et Jésus! Où Jésus est-il?

On a dit que Jésus —toujours venait—

Peut-être il ne connaît pas la maison—

Par ici, Jésus, laissez-le passer!

Courez quelqu'un à la grand' porte

Et voyez si Dollie s'en vient! Attendez!

J'entends ses pas dans l'escalier!

La mort ne sera rien —Dollie est ici!

177

Ah, Nécromancie chérie!

Ah, Sorcière érudite!

Enseigne-moi l'art

Que j'inocule la peine

Que docteurs en vain apaisent

Ni qu'aucune herbe de toute la plaine

Pourrait guérir!

182

Si je devais ne plus vivre

Quand les merles reviendront,

Donne en souvenir à celui qui porte

La cravate rouge une miette de pain.

Si je ne pouvais dire merci,

M étant vite endormie,

Tu sauras que j'essaie

Avec ma lèvre de marbre.

189

C'est chose si petite de pleurer—

Chose si brève —soupirer—

Pourtant —par des métiers de cette sorte

Hommes et femmes nous mourons!

190

Il était faible, et j'étais forte —alors

Il m'a laissé l'emmener—

J'étais faible, et il était fort —alors

Je l'ai laissé m'emmener —chez moi.

Ce n'était pas loin —la porte était à côté—

Il ne faisait pas noir —puisqu'il est venu —aussi—

Il n'y avait pas de bruit —puisqu'il n'a rien dit—

C'est tout ce qui m'importait.

Le jour a frappé —et il a fallu nous quitter—

Ni l'un ni l'autre n'étions plus forts —à présent—

Il luttait —et je luttais —aussi—

Nous ne l'avions pas fait —pourtant!

216

A l'abri dans leurs chambres d'albâtre—

Insensibles à l'aube—

Insensibles au jour—

Reposent les membres dociles de la Résurrection—

Poutre de satin —et toit de pierre—

Splendides vont les ans —dans leur croissant— au-dessus d'eux-

Les mondes creusent leurs arcs—

Et les firmaments —voyagent—

Les diadèmes —tombent —et les doges —se rendent—

Sans bruit comme des points —sur un disque de neige—

239

Le ciel —est ce que je ne peux pas atteindre!

La pomme dans l'arbre—

Pourvu qu'elle pende —vraiment— sans espoir—

Voilà ce qu'est —le ciel —pour moi!

La couleur, sur le nuage en voyage—

Le pays interdit—

Derrière la colline —la maison derrière—

Là —se trouve —le paradis!

Ses pourpres agaçants —les après-midi—

L'appât —crédule—

Enamouré —du Conjurateur—

Qui nous a repoussés du pied —hier!

241

J'aime l'air de l'agonie,

Parce que je sais que c'est vrai—

On ne feint pas les convulsions,

On ne simule pas les transes—

Les yeux se glacent —et c'est la mort—

Impossible de contrefaire

Les perles sur le front

Par l'angoisse grossièrement enfilées.

30

249

Folles nuits —folles nuits!

Si j'étais avec toi

De folles nuits seraient

Notre luxure!

Futiles —les vents—

Pour un coeur au port—

Plus de boussole—

Plus de carte!

Ramant dans l'Eden—

Oh! lamer!

Si je pouvais amarrer —ce soir—

En toi!

288

Je suis personne! Qui êtes-vous?

Etes-vous —personne —aussi?

Alors nous faisons la paire!

Silence! on nous chasserait —vous savez!

Que c'est pénible —d'être— quelqu'un!

Que c'est commun —comme une grenouille-

De dire son nom —tout au long de juin—

Au marais qui admire!

301

Je me dis, la terre est brève—

Et l'angoisse —absolue—

Et nombreux —les blessés,

Mais, qu'importe?

Je me dis, nous pourrions mourir—

La meilleure vitalité

Ne peut vaincre la déchéance,

Mais, qu'importe?

Je me dis qu'au ciel—

De toute façon, ce sera égal—

D'après une équation nouvelle—

Mais, qu'importe?

449

J'étais morte pour la beauté, mais à peine

Etais-je installée dans la tombe

Qu'un autre, mort pour la vérité,

Fut mis dans une chambre à côté—

Doucement il demanda «pourquoi j'étais tombée»;

«Pour la beauté», répondis-je—

«Et moi, pour la vérité, c'est tout un—

Nous sommes frère et soeur», dit-il—

Et ainsi, comme des parents rencontrés la nuit,

Nous parlions d'une chambre à l'autre—

Jusqu'à ce que la mousse atteignît nos lèvres—

Et recouvrît —nos noms—

456

Si bien que je peux vivre sans—

Je t'aime —alors est-ce si bien que ça?

Aussi bien que Jésus?

Prouve-le moi

Que Lui —il a aimé les hommes—

Comme moi —je t'aime—

461

Femme —je serai au point du jour—

Soleil —as-tu un pavillon pour moi?

A minuit, je ne suis qu'une jeune fille,

Comme ça va vite d'en faire une femme—

Alors —minuit, j'ai passé loin de toi

Vers l'est, et la victoire—

Minuit —Bonne nuit! je les entends appeler,

Les anges se bousculent dans l'entrée—

Doucement mon Promis monte l'escalier.

Je bégaie la prière de mon enfance

Si tôt ne plus être une enfant—

Eternité, j'arrive —Monsieur,

Sauveur —j'ai déjà vu ce visage —avant!

478

Je n'ai pas eu le temps d'haïr—

Parce que

La tombe m'aurait fait obstacle—

Et la vie n'était pas si

Vaste que

Je pusse achever —l'hostilité—

Je n'ai pas eu le temps d'aimer non plus-

Mais puisqu'il

Fallait bien quelque activité—

Le petit labeur de l'amour—

Ai-je pensé

Me suffisait bien assez—

Mien —par le droit de la blanche élection!

Mien —par le sceau royal!

Mien —par le signe dans la prison écarlate—

Que les barreaux —ne peuvent cacher!

Mien —ici —dans la vision —et le veto!

Mien —par l'abrogation du tombeau—

Titré —confirmé—

Délirant privilège!

Mien —aussi longtemps que le temps fuit!

536

Le coeur demande le plaisir —d'abord-

Et puis —une dispense de la douleur—

Et puis —ces petits tranquillisants

Qui calment la souffrance—

Et puis —il demande à dormir—

Et puis —si c'est

La volonté de son inquisiteur

Le privilège de mourir—

650

La douleur tient du vide—

Elle ne peut se rappeler

Quand elle a commencé —ou s'il fut

Un temps où elle n'était pas—

Elle n'est —que ce qui sera—

Son infini contient

Ce qui fut —éclairé pour voir

D'autres cycles —de douleur.

686

On dit que le temps guérit—

Le temps jamais n'a guéri—

Une souffrance réelle s'affermit

Comme les nerfs avec l'âge—

Le temps est l'épreuve de la peine—

Mais pas un remède—

S'il se montre tel, il montre aussi

Qu'il n'y avait pas de maladie—

891

A mon oreille fine les feuilles —conféraient

Les journées —eux —étaient des cloches—

Je ne pouvais me protéger

Des sentinelles de la nature—

Si dans une cave je pensais me cacher,

Les murs —commençaient à parler—

La création semblait une fissure immense—

Pour me rendre visite—

976

La mort est un dialogue entre

L'esprit et la cendre.

«Dissous-toi», dit la mort —L'esprit: «Madame,

J'ai une autre espérance»—

La mort hésite —reprend sa plaidoirie—

L'esprit lui tourne dos

Ne laissant pour témoin

Qu'un manteau d'argile.

1075

Le ciel est bas —les nuages sales.

Un flocon de neige errant

Par une grange ou une ornière

Délibère s'il s'en ira—

Un petit vent tout le jour

Se plaint de son sort—

La nature, comme nous, parfois se fait prendre

Sans son diadème.

1233

Si je n'avais vu le soleil

J'aurais pu porter l'ombre

Mais la lumière autre désert

M'a rendu mon désert—

1250

Blanche comme un monotrope

Rouge comme une lobélie

Fabuleuse comme une lune à midi

Heure de février—

1263

Il n'y a pas de frégate comme un livre

Pour nous emporter en terre lointaine

Ni de coursier comme une page

De fougueuse poésie—

Le plus pauvre peut être du voyage

Sans l'injure du péage—

Qu'il est frugal le chariot

Qui transporte l'âme humaine.

1317

A Abraham on fit comprendre

Qu'il fallait le tuer—

Isaac était un moutard,

Abraham, un vieillard—

Sans hésitation

Abraham se soumit—

Amadouée par tant d'obéissance

La tyrannie tempéra—

Isaac —à ses enfants

Vécut pour raconter la fable—

Morale: avec un mastiff

Les manières prévalent.

1413

Doux scepticisme du coeur—

Qui sait —et ne sait pas—

Et tangue ainsi qu'une flotille

De parfums affrontant la neige-

Qui appelle et diffère la vérité

Craignant la sèche certitude

Comparée à l'exquis tourment

Passion frémissant de peur—

1492

«Et avec quel corps reviennent-ils?» —

Ainsi c'est qu'ils reviennent —Réjouis-toi!

Quelle porte —quelle heure —cours —cours —mon âme!

Illumine la maison!

«Un corps!» Réel —avec un visage et des yeux—

Pour savoir que ce sont eux!

Paul connaissait l'Homme qui connaissait la nouvelle—

Il était passé par Bethléem—

1540

Aussi imperceptiblement que le chagrin

L'été s'en est allé—

Trop imperceptible enfin

Pour ressembler à quelque perfidie—

Une quiétude s'est distillée

Comme un demi-jour commencé de longtemps,

Ou la Nature qui aurait passé avec elle-même

Un après-midi retiré—

L'obscurité s'est ramassée plus tôt—

Le matin, étranger, a brillé—

Courtoise, pourtant déchirante grâce,

Comme invitée, mais qui s'en serait allée—

Et ainsi, sans une aile,

Ni l'aide d'une quille

Notre été, léger, a pris la fuite

Vers la beauté.

1544

Qui n'aura trouvé le ciel ici-bas

Le manquera là-haut—

Les anges louent la maison d'à côté

Partout où nous allons—

1612

L'encanteur des adieux:

«Une fois, deux fois, adjugé»,

Crie du haut de son crucifix,

Puis abat son marteau—

Il ne vend que désolation,

Les enchères du désespoir

Vont d'un seul coeur humain

A deux —pas davantage—

1624

Apparemment sans surprise

Pour chaque fleur heureuse

Le gel la décapite en jouant—

Comme par accident—

L'assassin blond passe—

Le soleil impassible se met

A mesurer un autre jour

Pour Dieu, qui approuve.

1625

Revenant de la fosse aimée, je te tire

Elle ne prendra pas ta main

Ni te serrera dans ses bras immenses

Celle que personne ne peut comprendre

1632

Donc rends-moi à la mort—

La mort que jamais je n'ai crainte

Sauf qu'elle privait de toi—

Et maintenant privée par la vie,

Dans ma propre tombe je respire

Et j'évalue sa taille—

Sa taille est tout ce que l'enfer peut deviner-

Et tout ce que le ciel était—

1695

Il y a une solitude de l'espace

Une solitude de la mer

Une solitude de la mort, mais toutes

seront nombreuses

Comparées à ce lieu plus profond

A cette intimité polaire

Une âme qui se reconnaît elle-même—

Infinité finie.

1719

C'est bien un Dieu jaloux que Dieu—

Il ne peut supporter de voir

Que plutôt qu'avec Lui nous préférions

Jouer les uns avec les autres.

1758

Où les oiseaux ont tout pouvoir d'aller

Et les abeilles jouent sans honte.

L'étranger avant de frapper

Doit essuyer ses larmes.

1763

La gloire est une abeille.

Elle a sa chanson

Et son aiguillon—

Ah, oui, des ailes aussi.

 

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