Choix de textes
Saguet retouchait toujours ses poèmes même après l’édition et prenait un soin scrupuleux à la typographie. Nous avons privilégié la dernière écriture connue en indiquant la source, quand nous la connaissions. Cette publication est autorisée par Madame Josette Sanvincente qui nous a ouvert les chemins vers Claude.
à ma mère
Mon délire vient
d'un grand orage,
d'un lieu inexploré
à l'Est de l'Angoisse.
Tendresse verte aux carrefours
je le retrouve, couleur d'émeute,
en de lointains faubourgs
noyés de linges tristes.
Le soir peut faire la roue
quand j'écarte les branches,
ou vêtir de neige
la soif des oiseaux,
il assiège mes oreilles
plein de détonations.
En vain la mer efface
le bleu sourd du brouillard,
et griffe de ses sources
les filets de la pluie,
il balise d'injures
la nuit qui me ressemble.
Mon délire vient
de mille chaînes
coulées dans le regard
où tout se contredit.
(Terre de fièvres éditions Tribu juin 1984)
Un désir de beau temps
Parti nu vers le fleuve,
différencie le jour
de ce côté du ciel.
L'heure se teinte de bleu
pour fêter le soleil ;
d’un bleu qui balbutie
sur les chemins d'octobre.
Le plomb des routes
en cascade jusqu’à nous ;
la vrille des cigales
dans l'ornière du rebus.
Un vent triste parfois
investit l'horizon,
éteint ce bruit de fête
dans l'espace du soir,
mais chaque énigme a sa lumière.
Le sud est une fleur
avec des allumettes,
une tour de paroles
aux accents de fontaine.
Sa terre dans nos poings
est une torche rallumée.
(Extraits de L'espace de la nuit)
Je brûle du cri
profond de l'aube
qui se lève et appelle,
illustrée d'incendies,
quand le fleuve désert
occupe le silence.
Étant morte jadis
contre cette lumière
façonnée dans l'argile
d'un ciel inconnu ;
J’accueille par la brèche
humide de minuit
le mouvement des mots
venus du souvenir
Pour appeler encore
et boire, à l'eau qui passe,
le visage sans ombre
défait au moindre souffle.
(Distances éditions l'Ancrier 1993)
Peut-être
n'est-il pas suffisant
de frapper d'échos neufs
les choses retrouvées
Résumé du silence
ou musique du vide,
elles deviennent autre part
cette lenteur des années
qui regardent passer notre ombre,
usée par une vie
d'attente et de tristesse.
Je travaille sourdement
épris du son des mots.
Un coursier d'ombre oscille
démantelé au loin ...
et des villes me parcourent,
fidèles comme une peine,
traversées de voitures
et de murs brusquement.
Minuit traîne sa poussière,
ses arêtes, ses voûtes;
en silence les eaux
insaisissables et brèves.
Et tandis que la rue
resserre ses limites
que la nuit nous expulse
dans un temps immobile,
le travaille sourdement
à brûler la distance,
épris du son des mots
au faîte de l'instant.
à Michel Cosem
Toute la terre
dans un éclat de siècles,
de racines mises à nu
et serrées dans l'amour,
à grands pas
s'approche du poète.
Et les murs,
le rempart qui sommeille
abattu sur lui-même,
tous
mêlés d'oiseaux, de patience
ou de larmes,
la poitrine rouge
à cause des peines,
tournent leurs yeux de pluie
du côté de son coeur.
(Encres Vives « Étincelles d'ombre » Michel Cosem numéro 154 1992)
Audace
L'escalier tourne autour des heures
closes comme des noisettes.
Des formes se dégagent de l'ombre,
s'alternent, noires ou dorées.
La ville conjugue son ère stridente.
Un pas de plus
et je te trouve dans ce langage
tenant le matin comme une neige,
la parole blessée dans sa course,
une lumière qui se heurte
à la houle des bruits.
Un pas de plus et je te nomme
dans la paix de la flamme
mouillée au froid du jour.
(XAMBO éditions Multiples 1980)
Débris
Je porte en moi un cri d'usine
(et s'altère le sens du jour.)
Des trombes minutieuses,
l'égal d'une déroute.
Je porte aussi
un soleil vide,
les éperons du vent,
l'horizon du voyage.
Un nom, une ombre,
des voix froides,
Toute vie détruite à l'instant
Et qui savoure la mort
sur ma langue.
(XAMBO éditions Multiples 1980)
Barbares
Nos routes sont pavées d'audace,
Nos armes éprises de foudre
et nos tambours voilés, rendus fous de ténèbres,
reflètent la terreur qui résulte des cris.
Le soir, saison perdue,
je reviens à mes loups affamés de distances.
Et de la tour aveugle sauvagement construite,
je salue leur adresse à fracasser les formes.
Ma face est d'étranger, ma voix brute de lumière
(XAMBO éditions Multiples 1980)
XAMBO
Les fouets brûlaient mes paroles
et des bruits mystérieux découpaient l'ombre pâle
où chaque mot s'inscrit en plainte de carène.
Ces mots m'intentaient aux méandres,
étranglaient de lumière mes syllabes tranquilles,
forgeaient dans l'or des pailles une clé indéchiffrable.
Je me levais en foule, je les passais en foule
par cette langue oubliée que retracent les frondes.
O vérité des signes
Tous les mots sont des chiens qui se couchent à ma voix.
(XAMBO éditions Multiples 1980)
Détour
Barbare,
je marche pieds nus
sur la braise.
Je provoque le moment,
la forme et la voix,
Et je nie jusqu'à l'abolir
ce lieu aigu qui m'égratigne
Pour écrire le voyage
infligé par le feu.
Mort
Nous serons loin du temps
dont germera demain,
d'une vie liée à la fatigue.
Et notre sang nous sera remis
- à minuit nu
et vers le sud
-
pour arracher des sons
à la terre de nos pas.
***
Pressés d'exil,
nous gagnerons les terres
plus déchirées que cendre.
Là,
nous attendrons que l'aube
soulève nos paupières.
Si c'est une roue dentée,
nous allumerons les feux
des temps de sécheresse.
Alors je me tournerai vers vous : nu tout nu et pareil
à la vague dont l'eau m'était promise et qu'un
souffle résume.
Puis poussés au désert par le rythme
des courbes, nous prendrons le temps comme il vient
.Avons perdu la trace du soleil.
Mais l'or nous est facile
et douce la loi du clan
amoureux de sa force.
En quête de cris brûlants
nous parcourons les routes,
nos corps d'avalanche
se moquent des serrures.
Caressée d'ombres informes
la peur est notre site
à Serge PEY
Terre, vaste cri,
j'ai creusé toutes les prophéties,
écumé toutes les légendes
et ce chant inaudible doucement retrouvé,
je m'éloigne en gerçures du port de mes attaches.
Finie la hache de sel vrillée dans le soleil,
la blessure clignotante hurlée comme un défi.
Ici je me termine.
Et parce que mon nom est plus tranchant qu'une
vague
me voilà, dessin d'autres flammes,
décrété hors-la-loi partout où je te chante, ô terre vaste cri.
Instant
Maintenant que le rêve
coule
avec la nuit,
que la mer est plus douce
emportée dans leurs yeux,
un silence s'installe
qui se peuple sans fin
de visages oubliés
qui ne veulent pas finir
et qui reviennent chargés d'ombre
suivis d'un corps inséparable.
Distances
Amenez-moi la femme qui a connu la foudre
élevée feuille par feuille dans le printemps des villes : elle joue à l'ange sous
la pluie.
Amenez-moi la veuve au sourire effondré,
amenez-moi la fille difficile à rejoindre.
Et que je n'entende plus - une fois rentré
dans l'ombre - la plainte confuse des deltas,
mais cette joie terrible qui monte des labours pour saluer l'orage.
Je n'ai pas vingt ans.
Mon ombre portée par les
murs, je me retrouve à l'angle de ton souffle,
dans le scintillement de ta peau.
Je t'ai serrée si fort certains soirs sous l'orage,
croyant d'un geste changer les jours en fête ;
si fort dans ma voix qui saigne à crier, qu'une porte
s'est entrouverte de moi seul visible.
C'en est fini de la rouille et des fauves, de ces
mirages d'exil aux pupilles de sanglots, de cet éclat
d'acier vers quoi tendent mes rêves.
Bien sûr, le temps n'est plus où l'on brisait ses
chaînes à force de caresses.
À présent la mer se défigure, le vent se défigure,
même la lumière se transforme en rictus.
En ce pays de houle où se démet l'écharde ; où le
galop des souches inquiète les bourgeons, tu recomposes le chant qui fleurissait l'enfance, tu
apaises le cri courbé sur le présent, et forte du
secret qui libère des prisons, tu traverses l'eau
profonde de mes yeux naufragés.
***
à Paul Leberger
Les portes se fermaient sur des ombres ;
ivres et contradictoires des fleuves
se croisaient.
Parvenu à ce lieu de l'exil,
il fallait dire aussi
la plante rouge des langues
et les jardins propices ;
les bouquets de couteaux,
les parfums qui chavirent,
les forêts où les arbres
ont des feuillages d'yeux.
Puis les mots perdaient leurs couleurs,
nous parlaient d'astres morts,
de royaumes perdus.
Et nous cédions à ce halo de vent
couché nu dans une vitre ;
à cet éclat sans nom qui survivait
en nous
d'un soleil oublié.
(éditions multiples 1974)
à Josette.
J'ai vingt ans. Le soleil me couronne. Le soleil
prend racine dans les rues de mon crâne.
Il m'explose, m'éparpille,
m'enlise, me fissure.
De loin, tu diriges mes pas. Tu oublies mes mains
nues, leur plainte de paysage englouti par le feu.
À cette ; heure de l'été où la lumière palpite, où
tu n'en finis plus de te faire tige, j'ai vingt
ans
et je chante un monde éblouissant.
II
Je n'ai pas vingt ans. Mon ombre portée par les
murs je me retrouve à l'angle de ton souffle,
dans le scintillement de ta peau.
Je t'ai serrée si fort certains soirs sous l'orage
- croyant d'un geste changer les jours en fête - si
fort dans ma voix qui saigne à crier, qu'une porte
s'est entrouverte de moi seul visible.
C'en est fini de la rouille et des fauves, de ces
mirages d'exil aux pupilles de sanglots, de cet
éclat d'acier vers quoi tendent mes rêves.
Bien sûr, le temps n'est plus où l'on brisait ses
chaînes à force de caresses!
À présent la mer se défigure, le vent se défigure,
même la lumière se transforme en rictus.
En ce pays de houle où se démet l'écharde, où le
galop des souches inquiète les bourgeons, tu recomposes le chant qui fleurissait l'enfance, tu
apaises le cri courbé sur le présent, et forte du
secret qui libère des prisons, tu traverses l'eau
profonde de mes yeux naufragés.
(éditions Poésie Toute Christian Saint-Paul 1980, d'abord publié dans Distances à l'Ancrier 1993)
****
Il y aura d'autres voix, quelqu'un, une pluie
légère comme un souffle, comme une ombre de
lune, une haleine caressante. La douleur sera
ronde, ardente ou plaintive.
Il y aura d'autres voix, d'autres fruits dans les
branches. Un de tes noms sous le ciel de l'été, un
poids de mer dure ou très douce.
Il y aura d'autres voix, des mots et des regards
Les fenêtres sauront le parfum de la pierre, d
choses insensibles qu'on évoque sans cesse sur le
pas des maisons d'un âge très ancien.
(Distances éditions l'Ancrier 1993)
***
Belle, pour quel désert suis-je promis, pour quel autre
désert s'il faut, à chaque instant, retrouver sa solitude dans tous les yeux qui passent ?
Lorsque les routes se dédoublent et s'amoncellent les
fleuves ; lorsque lentement, dans le matin, s'élève
l'haleine rouge des heures, je voudrais m'ouvrir comme une parole privée d'air depuis longtemps.
La mer, de tous ces plis, m'apporte des chants sans
mémoire qui vont, avec l'entêtement obscur de l'oiseau, pour retrouver un goût de terre et d'orage.
Désert, désert partout ! dans les cercles criants de
la sève, dans l'arbre qui se tord pour ne plus exister
Et j'ai peine à croire à notre langage immobile sous
les pierres, à ce reflet dans le miroir brisé à l'aube
des cascades.
(l’œil déserté version 2 éditions dé bleu 1980)
La nuit m'apporte
un poème d'eau fraîche.
La nuit venue du fond
de ton corps mutilé
je peux la prendre dans mes bras ;
je peux
l'avaler toute jusqu'au premier rayon.
La nuit venue du fond
de ton corps flagellé
est-elle femme
ou rose noire ?
J'ai fermé portes et fenêtres.
Est-elle femme,
est-elle écho
la nuit venue du fond
de ton corps décharné ?
Je veux en elle
trouver un visage, de quoi me remettre à vivre.
La nuit couvre la plaine
de son lierre fantôme
et j'imagine un corps vivant.
La nuit comme une forêt morte
sur un chemin hanté de plaintives lueurs.
(l’œil déserté version 2 éditions dé bleu1980)
***
Je viens du monde encore sans nom
qui donne naissance au poème
Regarde,
je n'ai plus ni voix ni visage :
seule une rumeur d'oiseaux
sur laquelle tu te penches.
Je voudrais être un pont
entre cette vie et l'autre ;
ou ce chien sans couleur
qui joue avec mes rêves
au premier cri de l'aube
Regarde,
je suis fait d'ombres,
blessé de villes impénétrables,
mais je m'élance dans l'heure vive
entraînant l'horizon déjà sous le soleil.
(l’œil déserté version 2 éditions dé bleu 1980)
Les morts ne rêvent pas,
n'ont pas droit au sommeil.
Ils tournent sur eux-mêmes
encadrés de momies
ou défoncés d'églises
et de taureaux furieux.
Pour eux,
les fontaines fument
et les mots s'accompagnent
d'objets abandonnés.
Les morts ne s'arrêtent pas,
ils n'écoutent pas aux portes,
mais passent gravement
derrière chaque chose
pour retrouver le bleu
tassé dans les recoins.
Le vent s'angoisse de leurs gestes,
vibre plus bas sous la rumeur,
son ombre s'effrite noire
entre leurs lèvres sèches.
(Le bruit les blesse,
le feu les froisse
leur voix toujours glacée
déchire le silence
première version 1980)
Les morts ne dorment pas,
la nuit les rend malades,
ils jouent à l'inconnu
sans espoir d'océan.
(Terre de fièvres éditions Tribu juin 1984)
Va et ouvre la porte:
dehors il y a peut-être
un arbre ou une forêt,
un tablier de brume
ou une ville magique.
Il y a peut-être une rue
qui brûle sous la mer,
ou un gisant de neige
sur la peau du chemin.
S'il pleut dans le soleil,
la fleur de la torche
donnera enfin des graines.
Et même si sur les murs
flotte un visage perdu,
et même si les sourires
vomissent encore des dents,
Va et ouvre la porte:
tes mains feront le jour
dans l'herbe.
(Terre de fièvres éditions Tribu juin 1984)
Il n'y a pas de chemin
dans l'ombre où je me risque,
mais toujours le silence,
une ombre dans son ombre,
et cette frange égarée
des arbres, des nuages.
Il n'y a pas de chemin:
l'herbe seulement bouge
et le vent harassé
qui cherche une fenêtre,
la vivante chaleur
des maisons entassées
où l'aube entrera
de sa clarté tranquille,
L'idée d'une terre lointaine
lui servant de décor.
(Terre de fièvres éditions Tribu juin 1984)
Il est une ombre qui surprend
et qui jusqu'à nos yeux
fait monter sa tristesse.
Langue proche du soleil,
elle rappelle, bâillonnée de gestes,
la longue rumeur des hommes
qui s'usent dans l'exil
d'une ville plus sourde.
Sa nuit veut des hirondelles vertes
un nom, toujours le même,
pour échapper au froid.
n est une ombre qui surprend,
et que chaque matin
la lumière rejette
sur une terre sans espace
ayant la même soif.
(Terre de fièvres éditions Tribu juin 1984)
Car ici la vie est en cause.
Et la femme qui avait mille noms de fontaine,
qui lisait l'avenir dans les plis de ma soif.
Je lui parlais d'une voix tranquille,
la chantais dans la nuit dorée de ses
mensonges.
« Je suis la terre marquée de blessures
profondes,
la ville grêlée d'affiches aux couleurs
furieuses. »
Je ne chanterai pas la ville,
mais je dirai son autre nom
(Terres de fièvre éditions Tribu1984)
Ce lieu où rien ne pousse
c'est l'antre du délire,
l'œil sans fond du vertige,
un monde où les machines
se prennent pour l'espace,
où le béton, pareil au froid,
traduit la peur du jour à suivre.
La lumière grince, les mots blêmissent :
on les parcourt assourdis de menaces,
on s'épuise à laisser une empreinte durable ;
on la devine, à portée de matin,
figée par l'inquiétude au creux d'une blessure.
Douleur à contenir, douleur marbrée de traces
arides inexprimables.
Cependant on retrouve le geste décisif,
le nom des choses proches des routes
qu'un adieu multiplie et qu'un refrain
étoile à perte d'écho.
(Terre de fièvres éditions Tribu juin 1984)
Nos lèvres encore
diront le jour,
le poids de l'heure,
notre impatience...
Les arbres,
au loin,
resteront calmes
ou paraîtront plus sombres
s'ils cachent des fruits.
L'eau du fleuve,
elle aussi,
aura bu ses rivages.
Et la pluie ruissellera
de tout ce qui brûlait
quand s'ouvrira la porte
qui reflète les choses -
sur la rue étonnée
d'avoir perdu son nom.
( Les racines du feu, Franche Lippée, 1993)
Nuit
sur mes années d'homme,
sur mes mains embrumées
d'étranges majuscules.
Nuit
sur mes pas,
dans ma poitrine,
mais aussi
un bruit d'ailes,
de chute entre les doigts
soudain enracinés.
Nuit inquiète
sous l'averse,
sur les routes
réduites à la crainte
où seuls
passent les arbres.
(L'espace de la nuit Le passe-Mots 1996)
La nuit qui s'introduit
dans notre solitude
se répand sur les murs
au milieu de l'hiver.
Un scintillement torture
le secret de ses eaux,
submerge son refuge
de sources impossibles.
La nuit, toute la nuit
murmure face à la mer.
Sa bouche, à peine visible,
s'anime sous le vent
et son ombre impalpable,
pourpre contre ma tempe,
révèle un paysage
plus âpre chaque fois.
(L'espace de la nuit Le passe-Mots 1996)
Du matin
jusqu'au soir,
l'espace bout
et se peuple
de portes brusques,
d'ailes rapides.
Aucun arbre ne se dresse
pour recevoir la pluie,
aucune ombre,
à l'aube,
se détache du chemin
où se tiennent droites
les armes,
oubliées par la mer.
Nu chaque jour
passe le vent.
(L'espace de la nuit Le passe-Mots 1996)
Il neige.
des noms de tours
ou d'anges
s'enrobent d'un silence
prodigieusement blanc.
On a poussé la porte stérile de l'hiver,
interprété le signe
attristé des étoiles,
et cloué d'étincelles
la lumière indécise
qui coule de la nuit
submergée de lenteur.
Il neige sur la ville
durcie à rendre sourd;
il neige sur la lampe
éteinte à la fenêtre,
et son espace obscur
est un autre désert
que des chemins traversent
brûlés de tout mon sang.
(L'espace de la nuit Le passe-Mots 1996)
à Jean-Pierre Metge
Il n'aura pas de chant,
encore moins de musique.
Une voix d'homme assourdie
posera des questions,
ouvrira un passage
dans les années d'enfance.
Et ce bruit de paroles
aiguisées de hantises,
cette poussière d'échos
sur le tranchant des lèvres
traversera les bleus
de la maison secrète
triste comme ces lumières
appuyées sur la nuit
et qui ne savent pas,
une fois tuées les ombres,
l'espace à déchiffrer
pour mieux être nous-mêmes.
(L'espace de la nuit Le passe-Mots 1996)
Claude Saguet