Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
4 septembre 2011 7 04 /09 /septembre /2011 12:46

    Claude Saguet 

 

Choix de textes

 

 

Saguet retouchait toujours ses poèmes même après l’édition et prenait un soin scrupuleux à la typographie. Nous avons privilégié la dernière écriture connue en indiquant la source, quand nous la connaissions. Cette publication est autorisée par Madame Josette Sanvincente qui nous a ouvert les chemins vers Claude.

 

à ma mère

 

Mon délire vient

d'un grand orage,

d'un lieu inexploré

à l'Est de l'Angoisse.

 

Tendresse verte aux carrefours

je le retrouve, couleur d'émeute,

en de lointains faubourgs

noyés de linges tristes.

 

Le soir peut faire la roue

quand j'écarte les branches,

ou vêtir de neige

la soif des oiseaux,

il assiège mes oreilles

plein de détonations.

 

En vain la mer efface

le bleu sourd du brouillard,

et griffe de ses sources

les filets de la pluie,

il balise d'injures

la nuit qui me ressemble.

 

Mon délire vient

de mille chaînes
coulées dans le regard

où tout se contredit.

 

(Terre de fièvres éditions Tribu juin 1984)

 

Un désir de beau temps

Parti nu vers le fleuve,

différencie le jour

de ce côté du ciel.

L'heure se teinte de bleu

pour fêter le soleil ;

d’un bleu qui balbutie

sur les chemins d'octobre.

Le plomb des routes

en cascade jusqu’à nous ;

la vrille des cigales

dans l'ornière du rebus.

Un vent triste parfois

investit l'horizon,

éteint ce bruit de fête

 

dans l'espace du soir,

mais chaque énigme a sa lumière.

Le sud est une fleur

avec des allumettes,

une tour de paroles

aux accents de fontaine.

Sa terre dans nos poings

est une torche rallumée.

 

(Extraits de L'espace de la nuit)

 

Je brûle du cri

profond de l'aube

qui se lève et appelle,

illustrée d'incendies,

quand le fleuve désert

occupe le silence.

 

Étant morte jadis

contre cette lumière

façonnée dans l'argile

d'un ciel inconnu ;

 

J’accueille par la brèche

humide de minuit

le mouvement des mots

venus du souvenir

 

Pour appeler encore

et boire, à l'eau qui passe,

le visage sans ombre

défait au moindre souffle.

 

(Distances éditions l'Ancrier 1993)

 

 

Peut-être

n'est-il pas suffisant

de frapper d'échos neufs

les choses retrouvées

Résumé du silence

ou musique du vide,

elles deviennent autre part

cette lenteur des années

qui regardent passer notre ombre,

usée par une vie

d'attente et de tristesse.

 

Je travaille sourdement

épris du son des mots.

Un coursier d'ombre oscille

démantelé au loin ...

et des villes me parcourent,

fidèles comme une peine,

traversées de voitures

et de murs brusquement.

Minuit traîne sa poussière,

ses arêtes, ses voûtes;

en silence les eaux

insaisissables et brèves.

 

Et tandis que la rue

resserre ses limites

que la nuit nous expulse

dans un temps immobile,

le travaille sourdement

à brûler la distance,

épris du son des mots

au faîte de l'instant.

 

à Michel Cosem

 

 

Toute la terre

dans un éclat de siècles,

de racines mises à nu

et serrées dans l'amour,

à grands pas
s'approche du poète.

Et les murs,

le rempart qui sommeille

abattu sur lui-même,

tous

mêlés d'oiseaux, de patience

ou de larmes,

la poitrine rouge

à cause des peines,

tournent leurs yeux de pluie

du côté de son coeur.

 

(Encres Vives « Étincelles d'ombre » Michel Cosem numéro 154 1992)

 

Audace

 

L'escalier tourne autour des heures

closes comme des noisettes.

Des formes se dégagent de l'ombre,

s'alternent, noires ou dorées.

La ville conjugue son ère stridente.

 

Un pas de plus

et je te trouve dans ce langage

tenant le matin comme une neige,

la parole blessée dans sa course,

une lumière qui se heurte

à la houle des bruits.

 

Un pas de plus et je te nomme

dans la paix de la flamme

mouillée au froid du jour.

 

(XAMBO éditions Multiples 1980)

 

 

Débris

 

Je porte en moi un cri d'usine

(et s'altère le sens du jour.)

Des trombes minutieuses,

l'égal d'une déroute.

Je porte aussi

un soleil vide,

les éperons du vent,

l'horizon du voyage.

 

Un nom, une ombre,

des voix froides,

Toute vie détruite à l'instant

Et qui savoure la mort

sur ma langue.

 

(XAMBO éditions Multiples 1980)

 

Barbares

 

Nos routes sont pavées d'audace,

Nos armes éprises de foudre

et nos tambours voilés, rendus fous de ténèbres,

reflètent la terreur qui résulte des cris.

 

Le soir, saison perdue,

je reviens à mes loups affamés de distances.

Et de la tour aveugle sauvagement construite,

je salue leur adresse à fracasser les formes.

Ma face est d'étranger, ma voix brute de lumière

 

(XAMBO éditions Multiples 1980)

 

 

XAMBO

 

Les fouets brûlaient mes paroles

et des bruits mystérieux découpaient l'ombre pâle

où chaque mot s'inscrit en plainte de carène.

 

Ces mots m'intentaient aux méandres,

étranglaient de lumière mes syllabes tranquilles,

forgeaient dans l'or des pailles une clé indéchiffrable.

 

Je me levais en foule, je les passais en foule

par cette langue oubliée que retracent les frondes.

O vérité des signes

Tous les mots sont des chiens qui se couchent à ma voix.

 

(XAMBO éditions Multiples 1980)

 

Détour

 

Barbare,

je marche pieds nus

sur la braise.

Je provoque le moment,

la forme et la voix,

Et je nie jusqu'à l'abolir

ce lieu aigu qui m'égratigne

Pour écrire le voyage

infligé par le feu.

 

Mort

 

Nous serons loin du temps

dont germera demain,

d'une vie liée à la fatigue.

Et notre sang nous sera remis

- à minuit nu

et vers le sud

-

pour arracher des sons

à la terre de nos pas.

***

Pressés d'exil,

nous gagnerons les terres

plus déchirées que cendre.

Là,

nous attendrons que l'aube

soulève nos paupières.

 

Si c'est une roue dentée,

nous allumerons les feux

des temps de sécheresse.

 

Alors je me tournerai vers vous : nu tout nu et pareil

à la vague dont l'eau m'était promise et qu'un

souffle résume.

Puis poussés au désert par le rythme

des courbes, nous prendrons le temps comme il vient

 

.Avons perdu la trace du soleil.

Mais l'or nous est facile

et douce la loi du clan

amoureux de sa force.

 

En quête de cris brûlants

nous parcourons les routes,

nos corps d'avalanche

se moquent des serrures.

 

Caressée d'ombres informes

la peur est notre site

 

à Serge PEY

 

Terre, vaste cri,

j'ai creusé toutes les prophéties,

écumé toutes les légendes

et ce chant inaudible doucement retrouvé,

je m'éloigne en gerçures du port de mes attaches.

 

Finie la hache de sel vrillée dans le soleil,

la blessure clignotante hurlée comme un défi.

 

Ici je me termine.

Et parce que mon nom est plus tranchant qu'une

vague

me voilà, dessin d'autres flammes,

décrété hors-la-loi partout où je te chante, ô terre vaste cri.

 

Instant

 

Maintenant que le rêve

coule

avec la nuit,

que la mer est plus douce

emportée dans leurs yeux,

un silence s'installe

qui se peuple sans fin

de visages oubliés

qui ne veulent pas finir

et qui reviennent chargés d'ombre

suivis d'un corps inséparable.

 

 

Distances

 

Amenez-moi la femme qui a connu la foudre

élevée feuille par feuille dans le printemps des villes : elle joue à l'ange sous

la pluie.

Amenez-moi la veuve au sourire effondré,

amenez-moi la fille difficile à rejoindre.

Et que je n'entende plus - une fois rentré

dans l'ombre - la plainte confuse des deltas,

mais cette joie terrible qui monte des labours pour saluer l'orage.

 

Je n'ai pas vingt ans.

Mon ombre portée par les

murs, je me retrouve à l'angle de ton souffle,

dans le scintillement de ta peau.

Je t'ai serrée si fort certains soirs sous l'orage,

croyant d'un geste changer les jours en fête ;

si fort dans ma voix qui saigne à crier, qu'une porte

s'est entrouverte de moi seul visible.

C'en est fini de la rouille et des fauves, de ces

mirages d'exil aux pupilles de sanglots, de cet éclat

d'acier vers quoi tendent mes rêves.

Bien sûr, le temps n'est plus où l'on brisait ses

chaînes à force de caresses.

À présent la mer se défigure, le vent se défigure,

même la lumière se transforme en rictus.

En ce pays de houle où se démet l'écharde ; où le

galop des souches inquiète les bourgeons, tu recomposes le chant qui fleurissait l'enfance, tu

apaises le cri courbé sur le présent, et forte du

secret qui libère des prisons, tu traverses l'eau

profonde de mes yeux naufragés.

 

 ***

à Paul Leberger

 

Les portes se fermaient sur des ombres ;

ivres et contradictoires des fleuves

se croisaient.

Parvenu à ce lieu de l'exil,

il fallait dire aussi

la plante rouge des langues

et les jardins propices ;

les bouquets de couteaux,

les parfums qui chavirent,

les forêts où les arbres

ont des feuillages d'yeux.

Puis les mots perdaient leurs couleurs,

nous parlaient d'astres morts,

de royaumes perdus.

Et nous cédions à ce halo de vent

couché nu dans une vitre ;

à cet éclat sans nom qui survivait

en nous

d'un soleil oublié.

 

(éditions multiples 1974)

 

à Josette.

 

J'ai vingt ans. Le soleil me couronne. Le soleil

prend racine dans les rues de mon crâne.

Il m'explose, m'éparpille,

m'enlise, me fissure.

De loin, tu diriges mes pas. Tu oublies mes mains

nues, leur plainte de paysage englouti par le feu.

À cette ; heure de l'été où la lumière palpite, où

tu n'en finis plus de te faire tige, j'ai vingt

ans

et je chante un monde éblouissant.

 

II

 

Je n'ai pas vingt ans. Mon ombre portée par les

murs je me retrouve à l'angle de ton souffle,

dans le scintillement de ta peau.

Je t'ai serrée si fort certains soirs sous l'orage

- croyant d'un geste changer les jours en fête - si

fort dans ma voix qui saigne à crier, qu'une porte

s'est entrouverte de moi seul visible.

C'en est fini de la rouille et des fauves, de ces

mirages d'exil aux pupilles de sanglots, de cet

éclat d'acier vers quoi tendent mes rêves.

Bien sûr, le temps n'est plus où l'on brisait ses

chaînes à force de caresses!

À présent la mer se défigure, le vent se défigure,

même la lumière se transforme en rictus.

En ce pays de houle où se démet l'écharde, où le

galop des souches inquiète les bourgeons, tu recomposes le chant qui fleurissait l'enfance, tu

apaises le cri courbé sur le présent, et forte du

secret qui libère des prisons, tu traverses l'eau

profonde de mes yeux naufragés.

 

(éditions Poésie Toute Christian Saint-Paul 1980, d'abord publié dans Distances à l'Ancrier 1993)

 

****

 Il y aura d'autres voix, quelqu'un, une pluie

légère comme un souffle, comme une ombre de

lune, une haleine caressante. La douleur sera

ronde, ardente ou plaintive.

Il y aura d'autres voix, d'autres fruits dans les

branches. Un de tes noms sous le ciel de l'été, un

poids de mer dure ou très douce.

Il y aura d'autres voix, des mots et des regards

Les fenêtres sauront le parfum de la pierre, d

choses insensibles qu'on évoque sans cesse sur le

pas des maisons d'un âge très ancien.

 

(Distances éditions l'Ancrier 1993)

***

Belle, pour quel désert suis-je promis, pour quel autre

désert s'il faut, à chaque instant, retrouver sa solitude dans tous les yeux qui passent ?

Lorsque les routes se dédoublent et s'amoncellent les

fleuves ; lorsque lentement, dans le matin, s'élève

l'haleine rouge des heures, je voudrais m'ouvrir comme une parole privée d'air depuis longtemps.

La mer, de tous ces plis, m'apporte des chants sans

mémoire qui vont, avec l'entêtement obscur de l'oiseau, pour retrouver un goût de terre et d'orage.

Désert, désert partout ! dans les cercles criants de

la sève, dans l'arbre qui se tord pour ne plus exister

Et j'ai peine à croire à notre langage immobile sous

les pierres, à ce reflet dans le miroir brisé à l'aube

des cascades.

 

(l’œil déserté version 2 éditions dé bleu 1980)

 

La nuit m'apporte

un poème d'eau fraîche.

 

La nuit venue du fond

de ton corps mutilé

je peux la prendre dans mes bras ;

je peux

l'avaler toute jusqu'au premier rayon.

 

La nuit venue du fond

de ton corps flagellé

est-elle femme

ou rose noire ?

J'ai fermé portes et fenêtres.

 

Est-elle femme,

est-elle écho

la nuit venue du fond

de ton corps décharné ?

 

Je veux en elle

trouver un visage, de quoi me remettre à vivre.

 

La nuit couvre la plaine

de son lierre fantôme

et j'imagine un corps vivant.

 

La nuit comme une forêt morte

sur un chemin hanté de plaintives lueurs.

 

(l’œil déserté version 2 éditions dé bleu1980)

 


***

Je viens du monde encore sans nom

qui donne naissance au poème

Regarde,

je n'ai plus ni voix ni visage :

seule une rumeur d'oiseaux

sur laquelle tu te penches.

 

Je voudrais être un pont

entre cette vie et l'autre ;

ou ce chien sans couleur

qui joue avec mes rêves

au premier cri de l'aube

 

Regarde,

je suis fait d'ombres,

blessé de villes impénétrables,

mais je m'élance dans l'heure vive

entraînant l'horizon déjà sous le soleil.

 

(l’œil déserté version 2 éditions dé bleu 1980)

 

Les morts ne rêvent pas,

n'ont pas droit au sommeil.

 

Ils tournent sur eux-mêmes

encadrés de momies

ou défoncés d'églises

et de taureaux furieux.

 

Pour eux,

les fontaines fument

et les mots s'accompagnent

d'objets abandonnés.

 

Les morts ne s'arrêtent pas,

ils n'écoutent pas aux portes,

mais passent gravement

derrière chaque chose

pour retrouver le bleu

tassé dans les recoins.

 

Le vent s'angoisse de leurs gestes,

vibre plus bas sous la rumeur,

son ombre s'effrite noire

entre leurs lèvres sèches.

 

(Le bruit les blesse,

le feu les froisse

leur voix toujours glacée

déchire le silence

première version 1980)

 

Les morts ne dorment pas,
la nuit les rend malades,

ils jouent à l'inconnu

sans espoir d'océan.

 

(Terre de fièvres éditions Tribu juin 1984)

 

Va et ouvre la porte:

dehors il y a peut-être

un arbre ou une forêt,

un tablier de brume

ou une ville magique.

 

Il y a peut-être une rue

qui brûle sous la mer,

ou un gisant de neige

sur la peau du chemin.

 

S'il pleut dans le soleil,

la fleur de la torche

donnera enfin des graines.

 

Et même si sur les murs

flotte un visage perdu,

et même si les sourires

vomissent encore des dents,

 

Va et ouvre la porte:

tes mains feront le jour

dans l'herbe.

 

(Terre de fièvres éditions Tribu juin 1984)

 

Il n'y a pas de chemin

dans l'ombre où je me risque,

mais toujours le silence,

une ombre dans son ombre,

et cette frange égarée

des arbres, des nuages.

 

Il n'y a pas de chemin:

l'herbe seulement bouge

et le vent harassé

qui cherche une fenêtre,

la vivante chaleur

des maisons entassées

où l'aube entrera

de sa clarté tranquille,

 

L'idée d'une terre lointaine

lui servant de décor.

 

(Terre de fièvres éditions Tribu juin 1984)

 

Il est une ombre qui surprend

et qui jusqu'à nos yeux

fait monter sa tristesse.

Langue proche du soleil,

elle rappelle, bâillonnée de gestes,

la longue rumeur des hommes

qui s'usent dans l'exil

d'une ville plus sourde.

Sa nuit veut des hirondelles vertes

un nom, toujours le même,

pour échapper au froid.

n est une ombre qui surprend,

et que chaque matin

la lumière rejette

sur une terre sans espace

ayant la même soif.

 

(Terre de fièvres éditions Tribu juin 1984)

 

 

 

Car ici la vie est en cause.

 

Et la femme qui avait mille noms de fontaine,

qui lisait l'avenir dans les plis de ma soif.

 

Je lui parlais d'une voix tranquille,

la chantais dans la nuit dorée de ses

mensonges.

 

« Je suis la terre marquée de blessures

profondes,

la ville grêlée d'affiches aux couleurs

furieuses. »

Je ne chanterai pas la ville,

mais je dirai son autre nom

 

(Terres de fièvre éditions Tribu1984)

 

Ce lieu où rien ne pousse

 

c'est l'antre du délire,

l'œil sans fond du vertige,

un monde où les machines

se prennent pour l'espace,

où le béton, pareil au froid,

traduit la peur du jour à suivre.

 

La lumière grince, les mots blêmissent :

on les parcourt assourdis de menaces,

on s'épuise à laisser une empreinte durable ;

on la devine, à portée de matin,

figée par l'inquiétude au creux d'une blessure.

Douleur à contenir, douleur marbrée de traces

arides inexprimables.

 

Cependant on retrouve le geste décisif,

le nom des choses proches des routes

qu'un adieu multiplie et qu'un refrain

étoile à perte d'écho.

 

(Terre de fièvres éditions Tribu juin 1984)

 

Nos lèvres encore

diront le jour,

le poids de l'heure,

notre impatience...

Les arbres,

au loin,

resteront calmes

ou paraîtront plus sombres

s'ils cachent des fruits.

L'eau du fleuve,

elle aussi,

aura bu ses rivages.

Et la pluie ruissellera

de tout ce qui brûlait

quand s'ouvrira la porte

qui reflète les choses -

sur la rue étonnée

d'avoir perdu son nom.

 

( Les racines du feu, Franche Lippée, 1993)

 

Nuit

sur mes années d'homme,

sur mes mains embrumées

d'étranges majuscules.

Nuit

sur mes pas,

dans ma poitrine,
mais aussi

un bruit d'ailes,

de chute entre les doigts

soudain enracinés.

Nuit inquiète
sous l'averse,

sur les routes

réduites à la crainte

où seuls

passent les arbres.

 

(L'espace de la nuit Le passe-Mots 1996)

 

La nuit qui s'introduit

dans notre solitude

se répand sur les murs

au milieu de l'hiver.

Un scintillement torture

le secret de ses eaux,

submerge son refuge

de sources impossibles.

La nuit, toute la nuit
murmure face à la mer.

Sa bouche, à peine visible,

s'anime sous le vent

et son ombre impalpable,

pourpre contre ma tempe,

révèle un paysage

plus âpre chaque fois.

 

(L'espace de la nuit Le passe-Mots 1996)

 

Du matin

jusqu'au soir,

l'espace bout

et se peuple

de portes brusques,

d'ailes rapides.

Aucun arbre ne se dresse

pour recevoir la pluie,

aucune ombre,

à l'aube,

se détache du chemin

où se tiennent droites

les armes,

oubliées par la mer.

Nu chaque jour

passe le vent.

 

(L'espace de la nuit Le passe-Mots 1996)

 

Il neige.

des noms de tours

ou d'anges

s'enrobent d'un silence

prodigieusement blanc.

 

On a poussé la porte stérile de l'hiver,

interprété le signe

attristé des étoiles,

et cloué d'étincelles

la lumière indécise

qui coule de la nuit

submergée de lenteur.

Il neige sur la ville

durcie à rendre sourd;

il neige sur la lampe

éteinte à la fenêtre,

et son espace obscur

est un autre désert

que des chemins traversent

brûlés de tout mon sang.

 

(L'espace de la nuit Le passe-Mots 1996)

 

à Jean-Pierre Metge

 

Il n'aura pas de chant,

encore moins de musique.

Une voix d'homme assourdie

posera des questions,

ouvrira un passage

dans les années d'enfance.

Et ce bruit de paroles

aiguisées de hantises,

cette poussière d'échos

sur le tranchant des lèvres

traversera les bleus

de la maison secrète

triste comme ces lumières

appuyées sur la nuit

et qui ne savent pas,

une fois tuées les ombres,

l'espace à déchiffrer

pour mieux être nous-mêmes.

 

(L'espace de la nuit Le passe-Mots 1996)

 

 

 

 Claude Saguet

 

Partager cet article
Repost0

commentaires

Présentation

  • : POEME-TEXTE-TRADUCTION
  • : Pour les passionnés de Littérature je présente ici mes livres qui sont edités chez DAR EL GHARB et EDILIVRE. Des poèmes aussi. De la nouvelle. Des traductions – je ne lis vraiment un texte que si je le lis dans deux sens.
  • Contact

Profil

  • ahmed bengriche
  • litterateur et pétrolier
 je m'interesse aussi à la traduction
  • litterateur et pétrolier je m'interesse aussi à la traduction

Texte Libre

Recherche

Archives

Pages