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9 février 2012 4 09 /02 /février /2012 19:43

Femme noire

Léopold Sédar SENGHOR

Recueil : "Chants d'ombre"

Femme nue, femme noire
Vêtue de ta couleur qui est vie, de ta forme qui est beauté
J’ai grandi à ton ombre; la douceur de tes mains bandait mes yeux
Et voilà qu’au coeur de l’Été et de Midi,
Je te découvre, Terre promise, du haut d’un haut col calciné
Et ta beauté me foudroie en plein coeur, comme l’éclair d’un aigle

Femme nue, femme obscure
Fruit mûr à la chair ferme, sombres extases du vin noir, bouche qui fais lyrique ma bouche
Savane aux horizons purs, savane qui frémis aux caresses ferventes du Vent d’Est
Tamtam sculpté, tamtam tendu qui gronde sous les doigts du vainqueur
Ta voix grave de contralto est le chant spirituel de l’Aimée

Femme noire, femme obscure
Huile que ne ride nul souffle, huile calme aux flancs de l’athlète, aux flancs des princes du Mali
Gazelle aux attaches célestes, les perles sont étoiles sur la nuit de ta peau.
Délices des jeux de l’Esprit, les reflets de l’or ronge ta peau qui se moire
A l’ombre de ta chevelure, s’éclaire mon angoisse aux soleils prochains de tes yeux.

Femme nue, femme noire
Je chante ta beauté qui passe, forme que je fixe dans l’Éternel
Avant que le destin jaloux ne te réduise en cendres pour nourrir les racines de la vie.

Joal !
Je me rappelle.
Je me rappelle les signares à l’ombre verte des vérandas
Les signares aux yeux surréels comme un clair de lune sur la grève.

Je me rappelle les fastes du Couchant
Où Koumba N´Dofène voulait faire tailler son manteau royal.

Je me rappelle les festins funèbres fumant du sang des troupeaux égorgés

Du bruit des querelles, des rhapsodies des griots.
Je me rappelle les voix païennes rythmant le Tantum Ergo
Et les processions et les palmes et les arcs de triomphe.

Je me rappelle la danse des filles nubiles
Les choeurs de lutte – oh ! la danse finale des jeunes hommes, buste

Penché élancé, et le pur cri d´amour des femmes – Kor Siga !

Je me rappelle, je me rappelle…
Ma tête rythmant
Quelle marche lasse le long des jours d´Europe où parfois
Apparaît un jazz orphelin qui sanglote, sanglote, sanglote.

L’ouragan arrache tout autour de moi
Et l’ouragan arrache en moi feuilles et paroles futiles.
Des tourbillons de passion sifflent en silence
Mais paix sur la tornade sèche, sur la fuite de l’hivernage!
Toi Vent ardent Vent pur, Vent-de-belle-saison, brûle toute fleur toute pensée vaine
Quand retombe le sable sur les dunes dit cœur.
Servante, suspends ton geste de statue et vous enfants, vos jeux et vos rires d’ivoire.
Toi, qu’elle consume ta voix avec ton corps, qu’elle sèche parfum de ta chair
La flamme qui illumine ma nuit, comme une colonne et comme une palme.
Embrase mes lèvres de sang, Esprit, souffle sur les cordes de ma kôra
Que s’élève mon chant, aussi pur que l’or de Galam.

Le totem

Léopold Sédar SENGHOR

Recueil : "Chants d'ombre"

Il me faut le cacher au plus intime de mes veines
L’Ancêtre à la peau d’orage sillonnée d’éclairs et de foudre
Mon animal gardien, il me faut le cacher
Que je ne rompe le barrage des scandales.
Il est mon sang fidèle qui requiert fidélité
Protégeant mon orgueil nu contre
Moi-même et la superbe des races heureuses …

 

Masque nègre

Léopold Sédar SENGHOR

Recueil : "Chants d'ombre"

A Pablo Picasso

Elle dort et repose sur la candeur du sable.
Koumba Tam dort. Une palme verte voile la fièvre des cheveux, cuivre le front courbe.
Les paupières closes, coupe double et sources scellées.
Ce fin croissant, cette lèvre plus noire et lourde à peine – ou’ le sourire de la femme complice?
Les patènes des joues, le dessin du menton chantent l’accord muet.
Visage de masque fermé à l’éphémère, sans yeux sans matière.
Tête de bronze parfaite et sa patine de temps.
Que ne souillent fards ni rougeur ni rides, ni traces de larmes ni de baisers
O visage tel que Dieu t’a créé avant la mémoire même des âges.
Visage de l’aube du monde, ne t’ouvre pas comme un col tendre pour émouvoir ma chair.
Je t’adore, ô Beauté, de mon œil monocorde!

 

Neige sur Paris

Léopold Sédar SENGHOR

Recueil : "Chants d'ombre"

Seigneur, vous avez visité Paris par ce jour de votre naissance
Parce qu’il devenait mesquin et mauvais
Vous l’avez purifié par le froid incorruptible
Par la mort blanche.
Ce matin, jusqu’aux cheminées d’usines qui chantent à l’unisson
Arborant des draps blancs
- « Paix aux Hommes de bonne volonté! »
Seigneur, vous avez proposé la neige de votre paix au monde divisé, à l’Europe divisée
A l’Espagne déchirée et le Rebelle juif et catholique a tiré ses mille quatre cents canons contre les montagnes de votre Paix.
Seigneur, j’ai accepté votre froid blanc qui brûle plus que le sel.
Voici que mon cœur fond comme neige sous le soleil.
J’oublie
Les mains blanches qui tirèrent les coups de fusils qui croulèrent les empires Les mains qui flagellèrent les esclaves qui vous flagellèrent
Les mains blanches poudreuses qui vous giflèrent, les mains peintes poudrées qui m’ont giflé
Les mains sûres qui m’ont livré à la solitude à la haine
Les mains blanches qui abattirent la forêt de rôniers qui dominait l’Afrique,
au centre de l’Afrique
Droits et durs, les Saras beaux comme les premiers hommes qui sortirent de vos mains brunes.
Elles abattirent la forêt noire pour en faire des traverses de chemin de fer
Elles abattirent les forêts d’Afrique pour sauver la Civilisation, parce qu’on manquait de matière première humaine.

Seigneur, je ne sortirai pas ma réserve de haine, je le sais, pour les diplomates qui montrent leurs canines longues Et qui demain troqueront la chair noire.
Mon cœur, Seigneur, s’est fondu comme neige sur les toits de Paris

Au soleil de votre douceur
Il est doux à mes ennemis, à mes frères aux mains blanches sans neige
A cause aussi des mains de rosée, le soir, le long de mes joues brûlantes.

Nuit de Siné

Léopold Sédar SENGHOR

Recueil : "Chants d'ombre"

Femme, pose sur mon front tes mains balsamiques, tes mains douces plus que fourrure.
Là-haut les palmes balancées qui bruissent dans la haute brise nocturne
À peine. Pas même la chanson de nourrice.
Qu’il nous berce, le silence rythmé.
Écoutons son chant, écoutons battre notre sang sombre, écoutons
Battre le pouls profond de l’Afrique dans la brume des villages perdus.

Voici que décline la lune lasse vers son lit de mer étale
Voici que s’assoupissent les éclats de rire, que les conteurs eux-mêmes
Dodelinent de la tête comme l’enfant sur le dos de sa mère
Voici que les pieds des danseurs s’alourdissent, que s’alourdit la langue des choeurs alternés.

C’est l’heure des étoiles et de la Nuit qui songe
S’accoude à cette colline de nuages, drapée dans son long pagne de lait.
Les toits des cases luisent tendrement. Que disent-ils, si confidentiels, aux étoiles ?
Dedans, le foyer s’éteint dans l’intimité d’odeurs âcres et douces.

Femme, allume la lampe au beurre clair, que causent autour les Ancêtres comme les parents, les enfants au lit.
Écoutons la voix des Anciens d’Elissa. Comme nous exilés
Ils n’ont pas voulu mourir, que se perdît par les sables leur torrent séminal.
Que j’écoute, dans la case enfumée que visite un reflet d’âmes propices
Ma tête sur ton sein chaud comme un dang au sortir du feu et fumant
Que je respire l’odeur de nos Morts, que je recueille et redise leur voix vivante, que j’apprenne à
Vivre avant de descendre, au-delà du plongeur, dans les hautes profondeurs du sommeil.

 

Prière aux masques

Léopold Sédar SENGHOR

Recueil : "Chants d'ombre"

Masques! Ô Masques!
Masques noirs masques rouges, vous masques blanc-et-noir
Masques aux quatre points d’où souffle l’Esprit
Je vous salue dans le silence!
Et pas toi le dernier, Ancêtre à tête de lion.
Vous gardez ce lieu forclos à tout rire de femme, à tout sourire qui se fane
Vous distillez cet air d’éternité où je respire l’air de mes Pères.
Masques aux visages sans masque, dépouillés de toute fossette comme de toute ride
Qui avez composé ce portrait, ce visage mien penché sur l’autel de papier blanc
A votre image, écoutez-moi!
Voici que meurt l’Afrique des empires – c’est l’agonie d’une princesse pitoyable
Et aussi l’Europe à qui nous sommes liés par le nombril.
Fixez vos yeux immuables sur vos enfants que l’on commande
Qui donnent leur vie comme le pauvre son dernier vêtement.
Que nous répondions présents à la renaissance du Monde
Ainsi le levain qui est nécessaire à la farine blanche.
Car qui apprendrait le rythme au monde défunt des machines et des canons?
Qui pousserait le cri de joie pour réveiller morts et orphelins à l’aurore?
Dites, qui rendrait la mémoire de vie à l’homme aux espoirs éventrés?
Ils nous disent les hommes du coton du café de l’huile
Ils nous disent les hommes de la mort.
Nous sommes les hommes de la danse, dont les pieds
reprennent vigueur en frappant le sol dur.

 

A New York

Léopold Sédar SENGHOR

Recueil : "Éthiopiques"

(pour un orchestre de jazz : solo de trompette)

- I -

New York ! D’abord j’ai été confondu par ta beauté, ces grandes filles d’or aux jambes longues.
Si timide d’abord devant tes yeux de métal bleu, ton sourire de givre
Si timide. Et l’angoisse au fond des rues à gratte-ciel
Levant des yeux de chouette parmi l’éclipse du soleil.
Sulfureuse ta lumière et les fûts livides, dont les têtes foudroient le ciel
Les gratte-ciel qui défient les cyclones sur leurs muscles d’acier et leur peau patinée de pierres.
Mais quinze jours sur les trottoirs chauves de Manhattan
- C’est au bout de la troisième semaine que vous saisit la fièvre en un bond de jaguar
Quinze jours sans un puits ni pâturage, tous les oiseaux de l’air
Tombant soudain et morts sous les hautes cendres des terrasses.
Pas un rire d’enfant en fleur, sa main dans ma main fraîche
Pas un sein maternel, des jambes de nylon. Des jambes et des seins sans sueur ni odeur.
Pas un mot tendre en l’absence de lèvres, rien que des cœurs artificiels payés en monnaie forte
Et pas un livre où lire la sagesse. La palette du peintre fleurit des cristaux de corail.
Nuits d’insomnie ô nuits de Manhattan ! si agitées de feux follets, tandis que les klaxons hurlent des heures vides
Et que les eaux obscures charrient des amours hygiéniques, tels des fleuves en crue des cadavres d’enfants.

- II -

Voici le temps des signes et des comptes
New York ! or voici le temps de la manne et de l’hysope.
Il n’est que d’écouter les trombones de Dieu, ton cœur battre au rythme du sang ton sang.
J’ai vu dans Harlem bourdonnant de bruits de couleurs solennelles et d’odeurs flamboyantes
- C’est l’heure du thé chez le livreur-en-produits-pharmaceutiques
J’ai vu se préparer la fête de la Nuit à la fuite du jour.
C’est l’heure pure où dans les rues, Dieu fait germer la vie d’avant mémoire
Tous les éléments amphibies rayonnants comme des soleils.
Harlem Harlem ! voici ce que j’ai vu Harlem Harlem !
Une brise verte de blés sourdre des pavés labourés par les
pieds nus de danseurs Dans
Croupes de soie et seins de fers de lance, ballets de nénuphars et de masques fabuleux
Aux pieds des chevaux de police, les mangues de l’amour rouler des maisons basses.
Et j’ai vu le long des trottoirs, des ruisseaux de rhum blanc des ruisseaux de lait noir dans le brouillard bleu des cigares.
J’ai vu le ciel neiger au soir des fleurs de coton et des ailes de séraphins et des panaches de sorciers.
Écoute New York ! ô écoute ta voix mâle de cuivre ta voix vibrante de hautbois, l’angoisse bouchée de tes larmes tomber en gros caillots de sang
Écoute au loin battre ton cœur nocturne, rythme et sang du tam-tam, tam-tam sang et tam-tam.

- III -

New York! je dis New York, laisse affluer le sang noir dans ton sang
Qu’il dérouille tes articulations d’acier, comme une huile de vie
Qu’il donne à tes ponts la courbe des croupes et la souplesse des lianes.
Voici revenir les temps très anciens, l’unité retrouvée la réconciliation du Lion du Taureau et de l’Arbre
L’idée liée à l’acte l’oreille au cœur le signe au sens.
Voilà tes fleuves bruissants de caïmans musqués et de lamantins aux yeux de mirages. Et nul besoin d’inventer les Sirènes.
Mais il suffit d’ouvrir les yeux à l’arc-en-ciel d’Avril
Et les oreilles, surtout les oreilles à Dieu qui d’un rire de saxophone créa le ciel et la terre en six jours.
Et le septième jour, il dormit du grand sommeil nègre.

Chant pour Yacine Mbaye

Léopold Sédar SENGHOR

Recueil : "Éthiopiques"

I

Mbaye toi aussi Mbaye, si je t’ai choisie Mbaye,
c’est pour ta beauté vraie
Pour ta peau de bronze huilé, pour ta peau de
sombre acajou.
Je parle de l’accord, et que rien n’y soit défaut
Rien pour sur excès. Je t’ai élue pour ton visage
d’orient aux deux étoiles de diamant
Pour ton visage tatoué de deux traits droits, aux
commissures là des yeux amandes
Paré de nattes haut plaquées, guirlande de
lumière noire autour de ton visage
Et la queue de tresses flotte mobile, flottant au
vent frais de la nuque.
je chante la beauté et je module la mesure
Mesure la courbe tes courbes : la proue prouesse
de la poitrine, la fuite
Souple gracieuse des reins. Si je te chante, c’est
pour l’épreuve et difficile.
C’est difficile d’être souriante au bout du stade
Ma gazelle penchée des sables, si belle dans
l’angoisse et belle dans ton attente.

II

Tu es partie doucement, en troisième position.
Tu as remonté aux quatre cents mètres, te
décollant de Koumba-amul-Ndèye t’abritant dans la foulée de
Ndèye Diassik, la mauvaise au long cours, toute
de blanc vêtue comme la Mort, toute de *
muscles de tendons tendue
Dans sa solitude orgueilleuse. Et son club a craché au loin.
Tu déploies les couleurs du Continent : le maillot
blanc rayé de rouge vertical
Et la culotte noire, qui garde le ventre la force
de l’Afrique.
Or Ndèye Diassik se retourne, décoche son
regard oblique et lâche la bride à sa fougue.
Sa première victime est foudroyée, qui roule
soudain comme boule un lièvre
Assommé net. Après les huit cents mètres, à la
sortie du virage Est, le soleil dorant l’auréole
de ses nattes
Yacine monte à l’épaule de Ndèye Sans un regard
un seul à gauche, elle redresse le buste
NDEISSANE !
Royale ma Linguère, souriante comme Néfertiti.
Linguère, je dis noblesse n’est pas dans le
ventre : elle naît de l’accord
Noblesse dans la patience et noblesse dans le
courage, dans le cœur dans le foie dans la foi
Noblesse, dans ton buste qui se dresse angle
droit, et tes jambes sont des bielles bien
huilées
Le svastika dans son élan, qu’aime le Dieu bleu
noir.

III

Yacine monte à l’épaule de sa rivale.
D’un brusque coup de reins, Ndèye accélère la
cadence.
Elle a coupé l’espoir à une fille au maillot bleu
Qui s’écroule sur la pelouse. On l’emporte
comme une morte.
Mais Yacine donne à son souffle, à sa foulée la longueur juste
La rythmant l’arythmant comme le tétramère, qu’informent les tam-tams de vie
Buvant l’oxygène vert, comme une boisson
tonique
Quand c’est déjà la cloche de l’angoisse, la
clameur de l’espoir.
Yacine est remontée à la hauteur de Ndèye,
si noire dans son maillot blanc
D’un nouvel oeil gris-gris d’un nouveau coup,
Diassik coupe les jarrets de Koumba
Qui les bras ballants s’affale baveuse. Or
Linguère avait pressenti.
Elle forlance la meute en avant de ses forces
dernières
Impérieuse. Et le stade est debout, clamant
acclamant le nom de sa reine
Et les pelouses sont fleuries de pagnes
parfumés, de coiffures joyeuses
Et la voila déroulant sur la frise ses longues
jambes harmonieuses
Et la voici à vingt-et-un mètres de la raie
claire, et lancée sur la crête de la
strophe.
Et tu tombes Linguère, et tu tombes parfaite,
dans mes deux bras de père

 

Congo (pour trois kôras et un balafon)

Léopold Sédar SENGHOR

Recueil : "Éthiopiques"

Oho ! Congo oho ! Pour rythmer ton nom grand sur les eaux sur les fleuves sur toute mémoire
Que j’émeuve la voix des kôras Koyaté ! L’encre du scribe est sans mémoire.

Oho ! Congo couchée dans ton lit de forêts, reine sur l’Afrique domptée
Que les phallus des monts portent haut ton pavillon
Car tu es femme par ma tête par ma langue, car tu es femme par mon ventre
Mère de toutes choses qui ont narines, des crocodiles des hippopotames
Lamantins iguanes poissons oiseaux, mère des crues nourrice des moissons.
Femme grande ! eau tant ouverte à la rame et à l’étrave des pirogues
Ma Saô mon amante aux cuisses furieuses, aux longs bras de nénuphars calmes
Femme précieuse d’ouzougou, corps d’huile imputrescible à la peau de nuit diamantine.

Toi calme Déesse au sourire étale sur l’élan vertigineux de ton sang
O toi l’Impaludée de ton lignage, délivre-moi de la surrection de mon sang.
Tamtam toi toi tamtam des bonds de la panthère, de la stratégie des fourmis
Des haines visqueuses au jour troisième surgies du potopoto des marais
Hâ ! sur toute chose, du sol spongieux et des chants savonneux de l’Honune-blanc
Mais délivre-moi de la nuit sans joie, et guette le silence des forêts.
Donc que je sois le fût splendide et le bond de vingt-six coudées
Dans l’alizé, sois la fuite de la pirogue sur l’élan lisse de ton ventre.
Clairières de ton sein îles d’amour, coffines d’ambre et de gongo
Tanns d’enfance tanns de joal, et ceux de Dyilôr en Sep- tembre
Nuits d’Ermenonville en Automne – il avait fait trop beau trop doux.
Fleurs sereines de tes cheveux, pétales si blancs de ta bouche
Surtout les doux propos à la néoménie, jusque-s à la minuit du sang.
Délivre-moi de la nuit de mon sang, car guette le silence des forêts.

Mon amante à mon flanc, dont l’huile fait docile mes mains mon âme
Ma force s’érige dans l’abandon, mon honneur dans la soumission
Et ma science dans l’instinct de ton rythme. Noue son élan le coryphée
A la proue de son sexe, comme le fier chasseur de lamantins.
Rythmez clochettes rythmez langues rythmez rames la danse du Maître des rames.
Ah ! elle est digne, sa pirogue, des choeurs triomphants de Fadyoutt
Et je clame deux fois deux mains de tam-tams, quarante vierges à chanter ses gestes.
Rythmez la flèche rutilante, la griffe à midi du Soleil Rythmez, crécelles des cauris, les bruissements des Grandes Eaux
Et la mort sur la crête de l’exultation, à l’appel irrécusable du gouffre.

Mais la pirogue renaîtra par les nénuphars de l’écume
Surnagera la douceur des bambous au matin transparent du monde.

 

Élégie pour Martin Luther King

Léopold Sédar SENGHOR

Recueil : "Éthiopiques"

(pour un orchestre de jazz)

I

Qui a dit que j’étais stable dans ma maîtrise, noir
sous l’écarlate sous l’or ?
Mais qui a dit, comme le maître de la masse
et du marteau, maître du dyoung-dyoung du tam-tam.
Coryphée de la danse, qu’avec ma récade sculptée
Je commandais les Forces rouges, mieux que les
chameliers leurs dromadaires au long cours ?
Ils ploient si souples, et les vents tombent et les
pluies fécondes.
Qui a dit qui a dit, en ce siècle de la haine et de l’atome
Quand tout pouvoir est poussière toute force faiblesse,
que les Sur-Grands
Tremblent la nuit sur leurs silos profonds de
bombes et de tombes, quand
A l’horizon de la saison, je scrute dans la fièvre les tornades stériles
Des violences intestines ? Mais dites qui a dit ?
Flanqué du sabar au bord de l’orchestre, les yeux
intègres et la bouche blanche
Et pareil à l’innocent du village, je vois la vision
j’entends le mode et l’instrument
Mais les mots comme un troupeau de buffles
confus se cognent contre mes dents
Et ma voix s’ouvre dans le vide.
Se taise le dernier accord, je dois repartir à zéro,
tout réapprendre de cette langue
Si étrangère et double, et l’affronter avec ma
lance lisse me confronter avec le monstre
Cette lionne-lamantin sirène-serpent dans le labyrinthe des abysses.
Au bord du chœur au premier pas, au premier
souffle sur les feuilles de mes reins
J’ai perdu mes lèvres donné ma langue au chat, je
suis brut dans le tremblement.
Et tu dis mon bonheur, lorsque je pleure
Martin Luther King !

II

Cette nuit cette claire insomnie, je me rappelle
hier et hier il a un an.
C’était lors le huitième jour, la huitième année
de notre circoncision
La cent soixante-dix-neuvième année de notre
mort-naissance à Saint-Louis.
Saint-Louis Saint-Louis ! Je me souviens d’hier
d’avant hier, c’était il y a un an
Dans la Métropole du Centre, sur la presqu’île
de proue pourfendant
Droit la substance amère. Sur la voie longue
large et comme une victoire
Les drapeaux rouge et or les étandards d’espérance
claquaient, splendides au soleil.
Et sous la brise de la joie, un peuple innombrable
et noir fêtait son triomphe
Dans les stades de la Parole, le siège reconquis
de sa prestance ancienne.
C’était hier à Saint-Louis parmi la Fête, parmi
les Linguères et les Signares
Les jeunes femmes dromadaires, la robe ouverte
sur leurs jambes longues
Parmi les coiffures altières, parmi l’éclat des
dents le panache des rires des boissons.
Soudain
Je me suis souvenu, j’ai senti lourd sur mes épaules,
mon cœur, tout le plomb du passé
J’ai regardé j’ai vu les robes fanées fatiguées
sous le sourire des Signares et des Linguères.
Je vois les rires avorter, et les dents se voiler
des nuages bleu noir des lèvres
Je revois Martin Luther King couché, une rose
rouge à la gorge
Et je sens dans la mœlle de mes os déposées les
voix et les larmes, hâ ; déposé le sang.
De quatre cents années, quatre cents millions
d’yeux deux cents millions de cœurs deux cents millions de bouches,
deux cents millions de morts,
Inutiles, je sens qu’aujourd’hui, mon Peuple je sens que
Quatre Avril tu es vaincu deux fois mort, quand
Martin Luther King.
Linguères ô Signares mes girafes belles, que
m’importent vos mouchoirs et vos mousselines
Vos finettes et vos fobines, que m’importent vos
chants si ce n’est pour magnifier
MARTIN LUTHER KING LE ROI DE LA PAIX ?
Ah, brûlez vos fanaux Signares, arrachez, vous
Linguères vos perruques
Rapareilles et vous militantes mes filles, que
vous soyez de cendres, fermez laissez tomber vos robes
Qu’on ne voie vos chevilles : Toutes femmes sont nobles
Qui nourrissent le peuple de leurs mains polies
de leurs chants rythmés.
Car craignez Dieu, mais Dieu déjà nous a frappés
de sa gauche terrible
L’Afrique plus durement que 1es autres,
et le Sénégal que l’Afrique
En mil neuf cent soixante-huit !

III

C’est la troisième année c’est la troisième plaie,
c’est comme jadis sur notre mère l’Egypte.
L’année dernière, ah Seigneur, jamais tu ne
t’étais tant fâché depuis la Grande Faim
Et Martin Luther King n’était plus là, pour chanter
ton écume et l’apaiser.
Il y a dans le ciel des jours brefs de cendres, des
jours de silence gris sur la terre.
De la pointe des Almadies jusqu’aux contreforts
de Fongolimbi
Jusqu’à la mer en flammes de Mozambique,
jusqu’au cap de Désespoir
Je dis la brousse est rouge et blancs les champs,
et les forêts des boîtes d’allumettes Qui craquent. Comme de grandes marées de nausées,
tu as fait remonter les faims du fond de vos mémoires.
Voici nos lèvres sans huile et trouées de crevasses,
c’est sous l’Harmattan le poto-poto des marigots.
La sève est tarie à sa source, les citernes s’étonnent,
sonores
Aux lèvres des bourgeons, la sève n’est pas montée
pour chanter la joie pascale
Mais défaillent les swi-mangas sur les fleurs les
feuilles absentes, et les abeilles sont mortelles.
Dieu est un tremblement de terre une tornade sèche,
rugissant comme le lion d’Ethiopie au jour de sa
fureur.
Les volcans ont sauté au jardin de l’Eden, sur trois
mille kilomètres, comme feux d’artifice aux fêtes
du péché
Aux fêtes de Séboïm de Sodome de Gomorrhe, 1es
volcans ont brûlé les lacs
Et les savanes. Et les maladies, les troupeaux ; et
les hommes avec
Parce que nous ne l’avons pas aidé, nous ne l’avons
pas pleuré Martin Luther King.
Je dis non, ce ne sont plus les kapos, le garrot
le tonneau le chien et la chaux vive,
Le piment pilé et le lard fondu, le sac le hamac le
micmac, et les fesses au vent au feu, ce ne sont
plus le nerf de bœuf la poudre au cul
La castration l’amputation la cruxifixion – l’on
vous dépèce délicatement, vous brûle savamment
à petit feu le cœur
C’est la guerre post-coloniale pourrie de bubons,
la pitié abolie le code d’honneur
La guerre où les Sur-Grands vous napalment par
parents interposés.
Dans l’enfer du pétrole, ce sont deux millions et
demi de cadavres humides
Et pas une flamme apaisante où les consumer tous
Et le Nigéria rayé de la sphère, comme la Nigritie
pendant sept fois mais sept fois soixante-dix ans.
Sur le Nigéria Seigneur tombe, et sur la Nigritie,
la voix de Martin Luther King !

IV

C’était donc le quatre Avril mil neuf cent soixante huit
Un soir de printemps dans un quartier gris, un
quartier malodorant de boue d’éboueurs
Où jouaient au printemps les enfants dans les
rues, fleurissaient le printemps dans les cours sombres
Jouaient le bleu murmure des ruisseaux, le chant
des rossignols dans la nuit des ghettos
Des cœurs. Martin Luther King les avait choisis,
le motel le quartier les ordures 1es éboueurs
Avec les yeux du cœur en ces jours de printemps,
ces jours de passion
Où la boue de la chair serait glorifiée dans la
lumière du Christ.
C’était le soir quand la lumière est plus claire et l’air plus doux
L’avant-soir à l’heure du cœur, de ses floraisons
en confidences bouche à bouche, et de l’orgue
et du chant et de l’encens.
Sur le balcon maintenant de vermeil, où l’air est plus limpide
Martin Luther debout dit pasteur au pasteur :
« Mon frère n’oublie pas de louer le Christ dans sa
résurrection, et que son nom soit clair chanté ! »
Et voici qu’en face, dans une maison de passe de
profanation de perdition, oui dans le motel Lorraine
- Ah, Lorraine, ah, Jeanne la blanche, la bleue,
que nos bouches te purifient, pareilles à l’encens qui monte !
Une maison mauvaise de matous de marlous, se tient
debout un homme, et à la main le fusil Remington.
James Earl Ray dans son télescope regarde le Pasteur
Martin Luther King regarde la mort du Christ :
« Mon frère n’oublie pas de magnifier ce soir le
Christ dans sa résurrection ! »
Il regarde, l’envoyé de Judas, car du pauvre vous avez
fait le lycaon du pauvre
Il regarde dans sa lunette, ne voit que le cou tendre
et noir et beau.
Il hait la gorge d’or, qui bien module la flûte des anges
La gorge de bronze trombone, qui tonne sur
Sodome terrible et sur Adama.
Martin regarde devant lui la maison en face de
lui, il voit des gratte-ciel de verre de lumière
Il voit des têtes blondes bouclées des têtes sombre
frisées, qui fleurissent des rêves
Comme des orchidées mystérieuses, et les lèvres
bleues et les roses chantent en chœur comme
l’orgue accordées.
Le Blanc regarde, dur et précis comme l’acier.
James Earl vise et fait mouche
Touche Martin qui s’affaisse en avant, comme une fleur odorante
Qui tombe : « Mon frère chantez clair Son nom, que
nos os exultent dans la Résurrection ! »

V

Cependant que s’évaporait comme l’encensoir le cœur du pasteur
Et que son âme s’envolait, colombe diaphane qui monte
Voilà que j’entendis, derrière mon oreille gauche, le battement lent du tam-tam.
La voix me dit, et son souffle rasait ma joue :
« Ecris et prends ta plume, fils du Lion ». Et je vis une vision.
Or c’était en belle saison, sur les montagnes du Sud
comme du Fouta-Djallon
Dans la douceur des tamariniers. Et sur un tertre
Siégeait l’Etre qui est Force, rayonnant comme un diamant noir.
Sa barbe déroulait la splendeur des comètes ; et à ses pieds
Sous les ombrages bleus, des ruisseaux de miel blanc de frais parfums de paix.
Alors je reconnus, autour de sa Justice sa Bonté,
confondus les élus et les Noirs et les Blancs
Tous ceux pour qui Martin Luther avait prié.
Confonds-les donc, Seigneur, sous tes yeux sous ta
barbe blanche :
Les bourgeois et les paysans paisibles, coupeurs de
canne cueilleurs de coton
Et les ouvriers aux mains fiévreuses, et ils font
rugir les usines, et le soir ils sont soûlés d’amertume amère.
Les Blancs et les Noirs, tous les fils de la même terre mère.
Et ils chantaient à plusieurs voix, ils chantaient
Hosanna ! Alléluia !
Comme au Royaume d’Enfance autrefois, quand je rêvais.
Or ils chantaient l’innocence du monde, et ils dansaient la floraison
Dansaient les forces que rythmait, qui rythmaient la
Force des forces : la Justice accordée, qui est
Beauté Bonté.
Et leurs battements de pieds syncopés étaient comme
une symphonie en noir et blanc
Qui pressaient les fleurs écrasaient les grappes, pour
les noces des âmes :
Du Fils unique avec les myriades d’étoiles.
Je vis donc – car je vis – Georges Washington et
Phillis Wheatley, bouche de bronze bleue qui
annonça la liberté – son chant l’a consumée _
Et Benjamin Franklin, et le marquis de La Fayette
sous son panache de cristal

Abraham Lincoln qui donna son sang, ainsi qu’une
boisson de vie à l’Amérique
Je vis Booker T. Washington le Patient, et William E.B.
Dubois l’Indomptable qui s’en alla planter sa tombe en Nigritie
J’entendis la voix blues de Langston Hughes, jeune
comme la trompette d’Armstrong. Me retournant je vis
Près de moi John F. Kennedy, plus beau que le rêve
d’un peuple, et son frère Robert, une armure fine d’acier.
Et je vis – que je chante ! – tous les Justes les Bons,
que le Destin dans son cyclone avait couchés
Et ils furent debout par la voix du poète, tels de
grands arbres élancés
Qui jalonnent la voie, et au milieu d’eux Martin Luther King.
Je chante Malcom X, l’ange rouge de notre nuit
Par les yeux d’Angela chante Georges Jackson,
fulgurant comme l’Amour sans ailes ni flèches
Non sans tourment. Je chante avec mon frère
La Négritude debout, une main blanche dans sa main
vivante
Je chante l’Amérique transparente, où la lumière est
polyphonie de couleurs
Je chante un paradis de paix.

 

Teddungal (guimm pour kôra)

Léopold Sédar SENGHOR

Recueil : "Éthiopiques"

Sall ! je proclame ton nom Sall ! du Fouta-Damga au Cap-Vert
Le lac Baïdé faisait nos pieds plus frais, et maigres nous marchions par le Pays-haut du Dyêri.
Et soufflaient les passions une tornade fauve aux piquants des gommiers. Où la tendresse du vert au Printemps ?
Yeux et narines rompus par Vent d’Est, nos gorges comme des citernes sonnaient creux à l’appel immense de la poitrine. C’était grande pitié.
Nous marchions par le Dyêri au pas du boeuf-porteur – l’aile du cheval bleu est pour les Maîtres-de-Saint-Louis – mais nos pieds dans la poussière des morts et nos têtes parées de nulle poudre d’or.
Or les scorpions furent de sable, les caméléons de toutes couleurs. Or les rires des singes secouaient l’arbre des palabres, comme peau de panthère les embûches zébraient la nuit.
Mille embûches des puissants: chaque touffe d’herbes cache un ennemi.
Nous avons ceint nos reins, affermi les remparts de notre coeur, nous avons repoussé lances et roses.
Roses et roses les navettes qui tissaient lêlés et yêlas, exquis les éloges des vierges quand la terre est froide à minuit.
Et leur tête était d’or, la lune éclairait le poème à contre-jour.
Belle ô Khasonkée parmi tes égales, à grande libellule les ailes déployées et lentement virant au flanc de la colline de Bakel
Jusqu’à ce mouvement soudain qui te brisait le cou, comme une syncope à battre mon coeur.
Ton sourire était doux sous paupières déclives, et grondaient les tam-tams peints de couleurs furieuses.
Ah ! ce coeur de poète, ah ! ce coeur de femme et de lion, quelle douleur à le dompter.
Or nous avons marché tels de blancs initiés. Pour toute nourriture le lait clair, et pour toute parole la rumination du mot essentiel.
Et lorsque le temps fut venu, je tendis un cou dur gonflé de veines comme une pile formidable.
C’était l’heure de la rosée, le premier chant du coq avait percé la brume, fait retourner les hommes des milices dans leur quatrième sommeil.
Les chiens jaunes n’avaient pas aboyé.
Et contre les portes de bronze je proférai le mot explosif teddungal !
Teddungal ngal du Fouta-Damga au Cap-Vert. Ce fut un grand déchirement des apparences, et les hommes restitués à leur noblesse, les choses à leur vérité.
Vert et vert Wâlo et Fouta, pagne fleuri de lacs et de moissons.
De longs troupeaux coulaient, ruisseaux de lait dans la vallée.
Honneur au Fouta rédimé ! Honneur au Royaume d’enfance !

 

Le message

Léopold Sédar SENGHOR

Recueil : "Hosties noires"

Le Prince a répondu. Voici l’empreinte exacte de son discours:
« Enfants à tête courte, que vous ont chanté les kôras?
Vous déclinez la rose, m’a-t-on dit, et vos Ancêtres les Gaulois.
Vous êtes docteurs en Sorbonne, bedonnants de diplômes.
Vous amassez des feuilles de papier – si seulement des louis d’or à compter sous la lampe, comme feu ton père aux doigts tenaces!
Vos filles, m’a-t-on dit, se peignent le visage comme des courtisanes
Elles se casquent pour l’union libre et éclaircir la race!
Êtes-vous plus heureux? Quelque trompette à wa-wa-wâ
Et vous pleurez aux soirs-là-bas de grands feux et de sang.
Faut-il vous dérouler l’ancien drame et l’épopée?
Allez à Mbissel à Fa’oy; récitez le chapelet de sanctuaires qui ont jalonné la Grande Voie
Refaites la Route Royale et méditez ce chemin de croix et de gloire.
Vos Grands Prêtres vous répondront : Voix du Sang!
Plus beaux que des rôniers sont les Morts d’Élissa; minces étaient les désirs de leur ventre.
Leur bouclier d’honneur ne les quittait jamais ni leur lance loyale.
Ils n’amassaient pas de chiffons, pas même de guinées à parer leurs poupées.

Leurs troupeaux recouvraient leurs terres, telles leurs demeures à l’ombre divine des ficus
Et craquaient leurs greniers de grains serrés d’enfants.
Voix du Sang! Pensées à remâcher!
Les Conquérants salueront votre démarche, vos enfants seront la couronne blanche de votre tête. »

J’ai entendu la Parole du Prince.
Héraut de la Bonne Nouvelle, voici sa récade d’ivoire.

 

Lettre à un prisonnier

Léopold Sédar SENGHOR

Recueil : "Hosties noires"

Ngom ! champion de Tyâné !

C’est moi qui te salue, moi ton voisin de village et de cœur.
Je te lance mon salut blanc comme le cri blanc de l’aurore, par dessus les barbelés
De la haine et de la sottise, et je nomme par ton nom et ton honneur.
Mon salut au Tamsir Dargui Ndyâye qui se nourrit de parchemins
Qui lui font la langue subtile et les doigts plus fins et plus longs
A Samba Dyouma le poète, et sa voix est couleur de flamme, et son front porte les marques du destin
A Nyaoutt Mbodye, à Koli Ngom ton frère de nom
A tous ceux qui, à l’heure où les grands bras sont tristes comme des branches battues de soleil
Le soir, se groupent frissonnants autour du plat de l’amitié.

Je t’écris dans la solitude de ma résidence surveillée – et chère – de ma peau noire.
Heureux amis, qui ignorez les murs de glace et les appartements trop clairs qui stérilisent
Toute graine sur les masques d’ancêtres et les souvenirs mêmes de l’amour.
Vous ignorez le bon pain blanc et le lait et le sel, et les mets substantiels qui ne nourrissent, qui divisent les civils
Et la foule des boulevards, les somnambules qui ont renié leur identité d’homme
Caméléons sourds de la métamorphose, et leur honte vous fixe dans votre cage de solitude.
Vous ignorez les restaurants et les piscines, et la noblesse au sang noir interdite
Et la Science et l’Humanité, dressant leurs cordons de police aux frontières de la négritude.
Faut-il crier plus fort ? ou m’entendez-vous, dites ?
Je ne reconnais plus les hommes blancs, mes frères
Comme ce soir au cinéma, perdus qu’ils étaient au-delà du vide fait autour de ma peau.

Je t’écris parce que mes livres sont blancs comme l’ennui, comme la misère et comme la mort.
Faites-moi place autour du poêle, que je reprenne ma place encore tiède.
Que nos mains se touchent en puisant dans le riz fumant de l’amitié
Que les vieux mots sérères de bouches en bouche passent comme une pipe amicale.
Que Dargui nous partage ses fruits succulents – foin de toute sécheresse parfumée !
Toi, sers-nous tes bons mots, énormes comme le nombril de l’Afrique prodigieuse.
Quel chanteur ce soir convoquera tous les ancêtres autour de nous
Autour de nous le troupeau pacifique des bêtes de la brousse ?
Qui logera nos rêves sous les paupières des étoiles ?

Ngom ! réponds-moi par le courrier de la lune nouvelle.
Au détour du chemin, j’irai au devant de tes mots nus qui hésitent. C’est l’oiselet au sortir de sa cage
Tes mots si naïvement assemblés ; et les doctes en rient, et ils ne restituent le surréel
Et le lait m’en rejaillit au visage.
J’attends ta lettre à l’heure ou le matin terrasse la mort.
Je la recevrai pieusement comme l’ablution matinale, comme la rosée de l’aurore.

Paris, juin 1942

 

Prière de paix

Léopold Sédar SENGHOR

Recueil : "Hosties noires"

A Georges et Claude POMPIDOU

« … Sicut et nos dimittimus debitoribus nostris »

I.

Seigneur Jésus, à la fin de ce livre que je T’offre comme un ciboire de souffrances

Au commencement de la Grande Année, au soleil de Ta paix sur les toits neigeux de Paris

- Mais je sais bien que le sang de mes frères rougira de nouveau l’Orient jaune, sur les bords de l’Océan Pacifique que violent tempêtes et haines
Je sais bien que ce sang est la libation printanière dont les Grands Publicains depuis septante années engraissent les terres d’Empire
Seigneur, au pied de cette croix – et ce n’est plus Toi l’arbre de douleur, mais au-dessus de l’Ancien et du Nouveau Monde l’Afrique crucifiée
Et son bras droit s’étend sur mon pays, et son côté gauche ombre l’Amérique
Et son cœur est Haïti cher, Haïti qui osa proclamer l’Homme en face du Tyran
Au pied de mon Afrique crucifiée depuis quatre cents ans et pourtant respirante
Laisse-moi Te dire Seigneur, sa prière de paix et de pardon.

II.

Seigneur Dieu, pardonne à l’Europe blanche !
Et il est vrai, Seigneur, que pendant quatre siècles de lumières elle a jeté la bave et les abois de ses molosses sur mes terres
Et les chrétiens, abjurant Ta lumière et la mansuétude de Ton cœur
On éclairé leurs bivouacs avec mes parchemins, torturé mes talbés, déporté mes docteurs et mes maîtres-de-science.
Leur poudre a croulé dans l’éclair la fierté des tatas et des collines
Et leurs boulets ont traversé les reins d’empires vastes comme le jour clair, de la Corne de l’Occident jusqu’à l’Horizon oriental
Et comme des terrains de chasse, ils ont incendié les bois intangibles, tirant Ancêtres et génies par leur barbe paisible.
Et ils ont fait de leur mystère la distraction dominicale de bourgeois somnambules.
Seigneur, pardonne à ceux qui ont fait des Askia des maquisards, de mes princes des adjudants
De mes domestiques des boys et de mes paysans des salariés, de mon peuple un peuple de prolétaires.
Car il faut bien que Tu pardonnes à ceux qui ont donné la chasse à mes enfants comme à des éléphants sauvages.
Et ils les ont dressés à coups de chicotte, et ils ont fait d’eux les mains noires de ceux dont les mains étaient blanches.
Car il faut bien que Tu oublies ceux qui ont exporté dix millions de mes fils dans les maladreries de leurs navires
Qui en ont supprimé deux cents millions.
Et ils m’ont fait une vieillesse solitaire parmi la forêt de mes nuits et la savane de mes jours.
Seigneur la glace de mes yeux s’embue
Et voilà que le serpent de la haine lève la tête dans mon cœur, ce serpent que j’avais cru mort…

III.

Tue-le Seigneur, car il me faut poursuivre mon chemin, et je veux prier singulièrement pour la France.
Seigneur, parmi  les nations blanches, place la France à la droite du Père.
Oh ! je sais bien qu’elle aussi est l’Europe, qu’elle m’a ravi mes enfants comme un brigand du Nord des boeufs, pour engraisser ses terre à cannes et coton, car la sueur nègre est fumier.
Qu’elle aussi a porté la mort et le canon dans mes villages bleus, qu’elle a dressé les miens les uns contre les autres comme des chiens se disputant un os
Qu’elle a traité les résistants de bandits, et craché sur les têtes-aux-vastes-desseins.
Oui, Seigneur, pardonne à la France qui dit bien la voie droite et chemine par les sentiers obliques
Qui m’invite à sa table et me dit d’apporter mon pain, qui me donne de la main droite et de la main gauche enlève la moitié.
Oui Seigneur, pardonne à la France qui hait les occupants et m’impose l’occupation si gravement
Qui ouvre des voies triomphales aux héros et traite ses Sénégalais en mercenaires, faisant d’eux les dogues noirs de l’Empire
Qui est la République et livre les pays aux Grands-Concessionnaires
Et de ma Mésopotamie, de mon  Congo, ils ont fait un grand cimetière sous le soleil blanc.

IV.

Ah ! Seigneur, éloigne de ma mémoire la France qui n’est pas la France, ce masque de petitesse et de haine sur le visage de la France
Ce masque de petitesse et de haine pour qui je n’ai que haine – mais je peux bien haïr le Mal
Car j’ai une grande faiblesse pour la France.
Bénis de peuple garrotté qui par deux fois sut libérer ses mains et osa proclamer l’avènement des pauvres à la royauté
Qui fit des esclaves du jour des hommes libres égaux fraternels
Bénis ce peuple qui m’a apporté Ta Bonne Nouvelle, Seigneur, et ouvert mes paupières lourdes à la lumière de la foi.
Il a ouvert mon cœur à  la connaissance du monde, me montrant l’arc-en-ciel des visages neufs de mes frères.
Je vous salue mes frères : toi Mohamed Ben Abdallah, toi Razafymahatratra, et puis toi là-bas Pham-Manh-Tuong, vous des mers pacifiques et vous des forêts enchantées
Je vous salue tous d’une cœur catholique.
Ah ! je sais bien que plus d’un de Tes messagers a traqué mes prêtres comme gibier et fait un grand carnage d’images pieuses.
Et pourtant on aurait pu s’arranger, car elles furent, ces images, de la terre à Ton ciel l’échelle de Jacob
La lampe au beurre clair qui permet d’attendre l’aube, les étoiles qui préfigurent le soleil.
Je sais que nombre de Tes missionnaires ont béni les armes de la violence et pactisé avec l’or des banquiers
Mais il faut qu’il y ait des traîtres et des imbéciles.

V.

O bénis ce peuple, Seigneur, qui cherche son propre visage sous le masque et a peine à le reconnaître
Qui Te cherche parmi le froid, parmi la faim qui lui rongent os et entrailles
Et la fiancée pleure sa viduité, et le jeune homme voit sa jeunesse cambriolée
Et la femme lamente oh ! l’œil absent de son mari, et la mère cherche le rêve de son enfant dans les gravats.
O bénis ce peuple qui rompt ses liens, bénis ce peuple aux abois qui fait front à la meute boulimique des puissants et des tortionnaires.
Et avec lui tous les peuples d’Europe, tous les peuples d’Asie tous les peuples d’Afrique et tous les peuples d’Amérique
Qui suent sang et souffrances. Et au milieu de ces millions de vagues, vois les têtes houleuses de mon peuple.
Et donne à leurs mains chaudes qu’elles enlacent la terre d’une ceinture de mains fraternelles.

DESSOUS L’ARC-EN-CIEL DE TA PAIX.

Paris, janvier 1945.

 

Taga de Mbaye Dyôb (pour un tama)

Léopold Sédar SENGHOR

Recueil : "Hosties noires"

Mbaye Dyôb ! je veux dire ton nom et ton honneur.

Dyôb ! le veux hisser ton nom au haut mât du retour,
Je veux chanter ton nom Dyôbène ! toi qui m’appelais ton maître et
sonner ton nom comme la cloche qui chante la victoire
Me réchauffais de ta ferveur aux soirs d’hiver
autour du poêle rouge qui donnait froid.
Dyôb ! qui ne sais remonter ta généalogie et domestiquer le temps noir,
dont les ancêtres ne sont pas rythmés par la voix du tama
Toi qui n’as tué un lapin, qui t’es terré sous les bombes des grands vautours
Dyôb ! — qui n’es ni capitaine ni aviateur ni cavalier pétaradant,
pas seulement du train des équipages
Mais soldat de deuxième classe au Quatrième Régiment des Tirailleurs sénégalais
Dyôb ! — je veux chanter ton honneur blanc.

Les vierges du Gandyol te feront un arc de triomphe
de leurs bras courbes, de leurs bras d’argent et d’or rouge
Te feront une voie de gloire avec leurs pagnes rares des Rivières du Sud.
Lors elles te feront un collier d’ivoire de leurs bouches
qui parent plus que manteau royal
Lors elles berceront ta marche,
leurs voix se mêleront aux vagues de la mer
Lors elles chanteront : « Tu as bravé plus que la mort,
plus que les tanks et les avions qui sont rebelles aux sortilèges
« Tu as bravé la faim, tu as bravé le froid et l’humiliation du captif .
« Oh ! téméraire, tu as été le marchepied des griots des bouffons
« Oh ! toi qui ajoutas quels clous à ton, calvaire pour ne pas déserter tes compagnons
« Pour ne pas rompre le pacte tacite
« Pour ne pas laisser ton fardeau aux camarades, dont les dos ploient à tout départ
« Dont les bras s’alanguissent chaque soir où l’on serre une main de moins
« Et le front devient plus noir d’être éclairé par un regard de moins
« Les yeux s’enfoncent quand s’y reflète un sourire de moins.
Dyôb ! — du Ngâbou au Wâlo, du Ngalam,
à la mer s’élèveront les chants des vierges d’ambre
Et que les accompagnent les cordes des kôras !
Et que les accompagnent les vagues et les vents !
Dyôb ! — je dis ton nom et ton honneur.

 

Ma Négritude

Léopold Sédar SENGHOR

Recueil : "L'Étudiant noir"

Ma Négritude point n’est sommeil de la race mais soleil de l’âme, ma négritude vue et vie
Ma Négritude est truelle à la main, est lance au poing
Réécade. Il n’est question de boire, de manger l’instant qui passe
Tant pis si je m’attendris sur les roses du Cap-Vert !
Ma tâche est d ‘éveiller mon peuple aux futurs flamboyants
Ma joie de créer des images pour le nourrir, ô lumières rythmées de la Parole !

 

A quoi comment

Léopold Sédar SENGHOR

Recueil : "Lettres d'hivernage"

A quoi comment vis-tu penses-tu, mais à qui?

Je vis ne pense pas, je dis je pense la mer et le ciel.
Ainsi les canards du Dimanche, et mon stylo
Ailé est comme le canard sauvage a ras de vague.
Je vis la vague vis le bleu, et la blondeur du sable blanc
Et la r

ougeur rose du cap de Nase comme le nez du cousin portugais
Tout gravelé de blockhaus désuets.
Foin des pirouettes des maubèches sophistiquées
Je hume la mer d’iode, et de sel de laitance
Au crépuscule, la nouba du soleil sous tente flamboyante
Et dans la nuit, la douceur du rire parmi les palmes.

Or à qui pas à quoi, je te pense te vis vivante.

 

Et le soleil

Léopold Sédar SENGHOR

Recueil : "Lettres d'hivernage"

Et le soleil boule de feu, déclive sur la mer vermeille.
Au bord de la brousse et de l’abîme, je m’égare dans
le dédale du sentier.
Elle me suit, cette senteur haute altière qui irrite mes
narines
Délicieusement. Elle me suit et tu me suis, mon double.

Le soleil plonge dans l’angoisse
Dans un foisonnement de lumières, dans un tressaillement
de couleurs de cris de colères.
Une pirogue, fine comme une aiguille dans une mer
immense étale
Un rameur et son double.
Saignent les grès du cap de Nase quand s’allume le
phare des Mamelles
Au loin. Le chagrin tel me point à ta pensée.

Je pense à toi quand je marche je nage
Assis ou debout, je pense à toi le matin et le soir
La nuit quand je pleure, eh oui quand je ris
Quand je parle je me parle et quand je me tais
Dans mes joies et mes peines. Quand je pense et ne
pense pas
Chère je pense à toi !

 

 

Le salut du jeune soleil

Léopold Sédar SENGHOR

Recueil : "Lettres d'hivernage"

Le salut du jeune soleil
Sur mon lit, la lumière de ta lettre
Tous les bruits qui fusent du matin
Les cris métalliques des merles, les clochettes des gonoleks
Ton sourire sur le gazon, sur la rosée splendide.

Dans la lumière innocente, des milliers de libellules
Des frisselants, comme des abeilles d’or ailes noires
Et comme des hélicoptères aux virages de grâce et de douceur
Sur la plage limpide, or et noir les Tramiae basilares
Je dis la danse des princesses du Mali.

Me voici à ta quête, sur le sentier des chats-tigres.
Ton parfum toujours ton parfum, de la brousse bourdonnant des buissons
Plus exaltant que l’odeur du lys dans sa surrection.
Me guide, ta gorge odorante, ton parfum levé par l’Afrique
Quand sous mes pieds de berger, je foule les menthes sauvages.
Au bout de l’épreuve et de la saison, au fond du gouffre
Dieu ! que je te retrouve, retrouve ta voix, ta fragrance de lumière vibrante.

 

Ta lettre sur le drap

Léopold Sédar SENGHOR

Recueil : "Lettres d'hivernage"

Ta lettre sur le drap, sous ma lampe odorante
Bleue comme la chemise neuve que lisse le jeune homme
En chantonnant, comme le ciel et la mer et mon rêve
Ta lettre. Et la mer a son sel, et l’air le lait le pain le riz, je dis son sel
La vie contient sa sève, et la terre son sens
Le sens de Dieu et son mouvement.
Ta lettre sans quoi la vie ne serait pas vie
Tes lèvres mon sel mon soleil, mon air frais et ma neige.

 

Tu parles

Léopold Sédar SENGHOR

Recueil : "Lettres d'hivernage"

Tu parles de ton âge, de tes fils de soie blanche.
Regarde tes mains pétales de laurier-rose, ton cou le
seul pli de la grâce.
J’aime les cendres sur tes cils tes paupières, et tes yeux
d’or mat et tes yeux
Soleil sur la rosée d’or vert, sur le gazon du matin
Tes yeux en Novembre comme la mer d’aurore autour
du Castel de Gorée.
Que de forces en leurs fonds, fortunes des caravelles,
jetées au dieu d’ébène !

J’aime tes jeunes rides, ces ombres que colore d’un
vieux rose
Ton sourire de Septembre, ces fleurs commissures de
tes yeux de ta bouche.
Tes yeux et ton sourire, les baumes de tes mains le
velours la fourrure de ton corps
Qu’ils me charment longtemps au jardin de l’Eden
Femme ambiguë, toute fureur toute douceur.

Mais au coeur de la saison froide
Quand les courbes de ton visage plus pures se
présenteront
Tes joues plus creuses, ton regard plus distant, ma
Dame
Quand de sillons seront striés, comme les champs
l’hiver, ta peau ton cou ton corps sous les fatigues
Tes mains minces diaphane, j’atteindrai le trésor de
ma quête rythmique
Et le soleil derrière la longue nuit d’angoisse
La cascade et la même mélopée, les murmures des
sources de ton âme.

Viens, la nuit coule sur les terrasses blanches, et tu
viendras
La lune caresse la mer de sa lumière de cendres
transparentes.
Au loin, reposent des étoiles sur les abîmes de la nuit
marine
L’Île s’allonge comme une voie lactée.
Mais écoute, entends-tu? les chapelets d’aboiements
qui montent du cap Manuel
Et monte du restaurant du wharf et de l’anse
Quelle musique inouïe, suave comme un rêve

Chère !….

 

Printemps

Léopold Sédar SENGHOR

Recueil : "Poèmes Perdus"

Des nuages s’étirent, s’étirent irréels,
Entre les branches noires enlacés.
Tout l’hiver devant ma fenêtre, qui s’en va
Et la danse de lumière sur les crêtes lointaines.

Cet oiseau jamais aperçu !
Et le printemps et mon amour.
Mes yeux qui s’éclairent, mes lèvres qui éclosent,
Mon corps …

Il fait très doux et très clair.
Le monde est calme autour, en tendresse.
Oh ! un moment, rien qu’un moment de calme pour
toute souffrance.
Car Dossie pleure les cris matinaux de ses enfants.

Du monde je ne vois qu’un rectangle bleu
Strié de noir luisant.
Les branches tendent leurs bourgeons au soleil,
Lèvres ouvertes, lèvres offertes.

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N
Bonjour je me prénomme nadia mère de 3 enfants. Je vivais à briouze avec mon mari, quand en 2018 il décida d'aller en voyage d'affaire à Bresil , où il tomba sur le charme d'une jeune vénézuélienne et ne semblait même plus rentrer. Ces appels devenaient rares et il décrochait quelquefois seulement et après du tout plus quand je l'appelais. En février 2019, il décrocha une fois et m'interdit même de le déranger. Toutes les tentatives pour l'amener à la raison sont soldée par l'insuccès. Nos deux parents les proches amis ont essayés en vain. Par un calme après midi du 17 février 2019, alors que je parcourais les annonce d'un site d'ésotérisme, je tombais sur l'annonce d'un grand marabout du nom ZOKLI que j'essayai toute désespérée et avec peu de foi car j'avais eu a contacter 3 marabouts ici en France sans résultat. Le grand maître ZOKLI promettait un retour au ménage en au plus 7 jours . Au premier il me demande d’espérer un appel avant 72 heures de mon homme, ce qui se réalisait 48 heures après. Je l'informais du résultat et il poursuivait ses rituels.Grande fut ma surprise quand mon mari m’appela de nouveau 4 jours après pour m'annoncer son retour dans 03 jours. Je ne croyais vraiment pas, mais étonnée j'étais de le voire à l'aéroport à l'heure et au jour dits. Depuis son arrivée tout était revenu dans l'ordre. c'est après l'arrivé de mon homme que je décidai de le récompenser pour le service rendu car a vrai dire j'ai pas du tout confiance en ces retour mais cet homme m'a montré le contraire.il intervient dans les domaines suivants<br /> <br /> Retour de l'être aimé<br /> Retour d'affection en 7jours<br /> réussir vos affaires , agrandir votre entreprises et trouver de bon marché et partenaires<br /> Devenir star<br /> Gagner aux jeux de hasard<br /> Avoir la promotion au travail<br /> Envoûtements<br /> Affaire, crise conjugale<br /> Dés-envoûtement<br /> Protection contre les esprits maléfices<br /> Protection contre les mauvais sorts<br /> Chance au boulot évolution de poste au boulot<br /> Chance en amour<br /> La puissance sexuelle.<br /> agrandir son pénis<br /> Abandon de la cigarette et de l'alcool<br /> Guérir tous sorte de cancer<br /> portfeuille magic multiplicateur d'argent<br /> <br /> voici son adresse mail : maitrezokli@hotmail.com vous pouvez l'appeler directement ou l 'Ecrire sur whatsapp au 00229 61 79 46 97
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S
s'il vous plait jais un problème est-ce-que vous pouvez me donnez quelques sous thèmes
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