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9 février 2012 4 09 /02 /février /2012 18:57

JEAN SENACPoésie...JEAN SENAC

 

 

MATINALE DE MON PEUPLE...Extrait

Que furent la terre qui s'ouvre,
le typhon qui s'abat sur la maison natale,
à côté de vous, Proconsuls des ténèbres !

Les enfants meurent de soif au milieu des fontaines.
A la porte des camps, avant de disparaître,
les jeunes hommes injurient leurs bourreaux :
"A quoi servirait de mourir
quand la vie est pour eux !"
Une avalanche de projecteurs, de chiens, de barbelés,
dévore leurs pauvres corps.

Vers la ville, nous lançons des phrases.
Qu'une charpente frémisse, la forêt peut renaître.
Pour toute réponse nous parvient
un vol affolé de cigognes.

Nous le jurons, sur ton visage, frère,
la dynastie du saccage
n'aura pas de postérité.

.

JEAN SENAC

.

CITOYENS DE BEAUTE

Et maintenant nous chanterons l'amour

Car il n'y a pas de Révolution sans Amour,
Il n'y a pas de matin sans sourire.
La beauté sur nos lèvres est un fruit continu.
Elle a ce goût précis des oursins que l'on cueille l'aube
Et qu'on déguste alors que l'Oursin d'Or s'arrache aux brumes et sur les vagues module son chant.
Car tout est chant – hormis la mort!
Je t'aime!
Il faut chanter, Révolution, le corps sans fin renouvelé de la Femme,
La main de l'Ami,
Le galbe comme une écriture sur l'espace
De toutes ces passantes et de tous ces passants
Qui donnent à notre marche sa vraie lumière,
A notre cœur son élan.
O vous tous qui constituez la beauté sereine ou violente,
Corps purs dans l'alchimie inlassable de la Révolution,
Regards incorruptibles, baisers, désirs dans les tâtonnements de notre lutte,
Point d'appui, points réels pour ponctuer notre espérance,
O vous, frère et sœurs, citoyens de beauté, entrez dans le Poème !
Voici la mer.

La baie (parce qu'elle est un fruit de la lumière et de notre regard).
Les jeunes corps sont pleins des signes de la mer.
(Oh je répète car la beauté sur notre page est d'une reconnaissance infinie...)
Tout est lumières et chant tandis que la Révolution façonne ses outils.
Voici la mer.

Ton corps, marais salant où je règne assoiffé.
Nous boirons la mer.

Je boirai ton âme.
Ivre de sel.

Ivre de soif.

A petits coups je bois ton âme.
Quel espace dans nos connexion les plus closes!
Quelles mutilations dans cet alambic saccagé !
Tu rayonnes, porteuse de planètes,
Au bord des abîmes de lin.
Sur l'autre versant de nous-mêmes
Nous basculons.

Voici la mer.

Voici les champs.

Les sarments renfrognés.

Mais les bourgeons, l'herbe parée, la terre
Large comme tes hanche !

Et les palmes le long
Des larges routes goudronnées.

Nous chanterons l'amour
Car la Révolution sur cette terre est l'élément de fécondation capitale.
Quelle gloire dans ce simple regard d'un enfant – sous ce voile
Quelle promesse !

Que les matinées ici sont bouleversantes,
Perpétuellement neuves dans leurs modulations
Qui chantera ici deux fois le même chant ?
Et maintenant l'amour à n'en plus pouvoir dire.
Sur nos dents éclatent les grenades nouvelles,
Les grenades de la conscience populaire, les fruits !
Ton corps était presque impalpable – et je le parcourais de mes lèvres ! - mais presque,
Si grande était sur toi la multitude du soleil
Et le sable alentour.
(Les mots, dis-moi ô mon amour, les mots nous allons les remettre à neuf,
Les tirer à quatre épingles – qu'ils n'aient plus honte dans le gangues où le malheur les avait mis -
Qu'ils sortent, qu'ils aillent dans la rue, sur le Môle, dans les champs.
Comme toi, qu'ils aient le sourire apaisé. Dans
La bouche des mots l'épaisseur de la mer, l'épaisseur de tes lèvres !)
La beauté sur tes lèvres est un feu continu,
L'oiseau du soleil qui s'acharne dans sa ponte miraculeuse
Et réussit !
O je n'en finis plus de saluer le jour, de mettre mon délire
Dans l'ordre quotidien, et sur ton corps
De l'ordonner, de donner vie à l'alphabet du rêve !
Je t'aime.

La Révolution monte
Parmi la pur symphonie des jeunes corps face à la mer.

Et nous nous sommes approchés.

Quel émerveillement, terre loyale,
Quelle bonté !
La beauté était là, pour le premier venu, à la portée de la main,
Vulnérable et farouche, un fruit en équilibre
Entre le regard et la faim.

Et moi
Des oiseaux, des oiseaux
Battaient, les mots prenaient
Leurs sandales de marche.

Révolution,
Que la matinée était belle !
J'ai vu le peuple le plus beau de la terre
Sourire au fruit et le fruit se donner.

Car le fruit, si tu le convies aux fêtes de l'homme,
Il accourt.
Il éclate comme une pupille.
Tu crois qu'il est dans le désordre, il nage à brasses ordonnées.
Écoute l'oursin la méduse
Qui se déploient pour se défendre :
Une mélodie de l'espace – et le cosmonaute répond.
Ton cœur n'éclate pas de joie, il s'arrondit, il se compose.
La paix est douce sur notre peau...

Je t'aime.

Tu es forte comme un comité de gestion

Comme une coopérative agricole

Comme une brasserie nationalisée

Comme la rose de midi

Comme l'unité du peuple

Comme une cellule d'alphabétisation

Comme un centre professionnel

Comme une parole de meddah

Comme l'odeur du jasmin dans la rue de Tayeb

Comme ne gouache de Benanteur

Comme le chant des murs et la métamorphose des slogans

Comme le soléa de ma mère

Les bleus les bruns de Zérarti

Comme les baigneurs à la Pointe-Pescade

Comme le Nègre de Timgad

La Vénus de Cherchell

Mon coeur mon graffiti.

Je t'aime.

Tu es ma folie positive.

Comme une pastèque bien rouge

Comme le sourire d'Ahmed

Comme une chemise de Chine

Une djebbah de Yasmina

Comme un beau discours politique

Comme un camion plein de rires

Comme une jeune fille qui retire son voile

Comme une autre qui le remet

Comme un boucher qui affiche des prix bas

Comme un spectacle réussi

Comme la foule qui acclame

Comme Jean qui sur une pierre

Pose une autre et nomme la terre

Comme le jet d'eau dans la cour

Comme à la nuit la bouqala

Comme une pière de Djelal

Une élégie d'Anna Gréki

Comme une formule mathématique

Comme l'histoire de Madjnoun

Et sa Leïla

Comme le défilé du 1er Novembre

Comme le certitude de Bachir

Comme les escaliers d'Odessa

Comme à Tilioua les olives

Comme un danseur de hadaoui

Comme El Anka et sa colombe

Comme Yahia qui épluche le noûn

Et comme Nathalie qui épèle

Une orange.

Tu es ma poésie active.

Je t'aime.

Oui tu es forte tu es belle

Comme les mots qui trouvent sur la feuille

Leur place

Notre douleur cicatrisée

Notre miracle du pardon

Comme les youyous sur les terrasses

Le satellite qui répond

Comme un galet entre ta main

Et la mienne

Pour porter témoignage de l'été.

Ensemble nous avons affronté le ridicule,

Les habitudes acquises, les images courantes,

Les aciéries du capital.

Cet été les moissons furent bonnes.

La mer très bleue.

Presque verte.

Je t'aime.

Et maintenant pour nos enfants je dis la couleur de Tolga,

Ce bleu qui est venu frapper à notre vitre,

Pas le bleu de la mer mais un lit plus profond

Pour les loisirs simples de l'âme.

Et notre cœur, tout comme un drap, à ce bleu nous l'avons passé

(Regarde, il brille !)

Le sourire bleu de Tolga parmi ses ruines et ses palmes !

Et la dignité d'El Hamel !

M'Chounèche qui crépitait d'audace au fond des gorges !

Je n'en finirais plus de ranimer nos forges,

Je n'en finirais plus de nommer sur ton corps

Les infinis prolégomènes...

O Révolution patiente

Et têtue !

O ces dents qui sont la page blanche

Où mon poème se construit !

O nuit très douce

Dans les absinthes de tes bras !

Oui, n'aie pas peur, dis leur

Que tu es belle comme un comité de gestion

Comme une coopérative agricole

Comme une mine nationalisée.

Osons, ô mon amour, parer de fleurs nouvelles

Le corps du poème nouveau !

Et même si l'horreur maintenant nous fait face

(Car rien n'est facile, non, et tout sans fin remis),

A la terrasse des cafés si nos singes bouffis

Grignotent l'avenir avec des cacahuètes

Et parlent de Ben M'Hidi comme d'un objet de consommation anodine

(O frère-dynamite ! O frère-flamme nue !

O frère-vent actif qui déracine la gangrène !),

Même si le découragement et la dérision nous assaillent,

Maintenant nous savons que nous sommes sauvés

Dans le grand geste socialiste

Car la Révolution et l'Amour ont renouvelé notre chair

(Salves ! Salves cent fois de tzaghrit et de graines !)

Je t'aime.

Vers la mer

Les enfants de l'alphabet dresse leur joie comme des roseaux.

A l'ombre nous nous asseyons

Et tu t'émerveilles

Parce qu'une bête à bon Dieu vient se poser sur mon genou.

Oui, ceux qui ont péri ne nous ont pas trompés.

C'est pourquoi maintenant nous chanterons l'amour.

.

 

JEAN SENAC

.

 

 

 

Vous êtes mort, je ne sais rien de la mort des hommes,
rien de la goutte d’eau qui renverse la figure et la dilue en Dieu.

Dieu lui-même qu’est-il, le néant ou la roche ?
la structure de l’ombre, le suprême reproche, 
et peut-être à peine notre interrogation ?

Dieu n’est-ce pas la voix de ma mère qui tremble
quand le dernier arbre rassemble
ses fruits,
quand la misère souterraine
délie le dernier bout de laine
et tout de go nous sommes nus ?

Tout de go il fait nuit
et sur nos cœurs les gens dans la détresse
abandonnent leurs graffiti.

Vous êtes mort, Nicolas de Staël,
et je ne connais rien de la mort des hommes !

Sur la toile le rouge et le noir répercutent
l’armature des ténèbres
un lit où l’appétit funèbre
du jour
tourne, tourne à nous rompre les vertèbres !

Le soleil sur la peau des gisants se retire…
Nicolas de Staël, vous aimiez tant que cela la vie ?
tant que cela pour la briser
sans même un cri ?

Ceux qui se tuent se tuent dans le silence
comme un petit enfant qui fronce les paupières
et s’en va.

Les uns sont des oiseaux de roche,
les autres, oh nul ne les approche
dans le grand espace alarmés !

Nicolas de Staël, le jaune vous avait-il lâché ?

Un rien suffit, un rien quand la couleur s’insurge,
on dit «adieu, adieu  Panurge »
et l’on remonte au premier signe écrit.

Mais dans le cœur, dans le cœur, qui connaît les dimensions de la Merci ?

.

JEAN SENAC

.

MATINALE DE MON PEUPLE

...
Parle ô tranquille fleur tisseuse de promesses
prélude au sûr éveil de l'orge
dis que bientôt l'acier refusera la gorge
...

Je chante l'homme de transition
coeur abîmé, plaies
voyantes.
Je récuse l'horreur qui nous a frappés à la source,
la parole envenimée dont notre bouche a pris le charme.
...
.

JEAN  SENAC

.

 

JEAN SENAC

J'ai vécu de marges, de plaisirs inouïs, de météores.

D'un astre à un autre, d'un chardon à un chardon, d'une fable

A une fable, d'une cendre.

J'ai cru connaître

Et je suis ignorant.

Verbe, Ô Boraq ! puis-je prétendre

Au matin quotidien - la nappe,

Le bol fumant, le beurre, le pain bis,

Et la paix d'une main de femme ?

Au bivouac de la famine

Tant de noms - et quel bruit torride

Font mes poubelles précieuses !

Mes fresques fantastiques, mes égoïstes, mes données,

Entre deux draps

De la margelle au cratère.

J'ai cru rêver : je mâche Le miroir de la mort.

Et tous mes os sont faits de ces déchets d'empires !

Tes yeux, s'ils existent quelque part, qu'ils pilotent mes requins !

Il suffit que tu me nommes, Je serai nu.

.

JEAN SENAC

.

:

RIEN...

« Rien…


Rien,
C’est un mot qui fuit
D’une vertèbre à l’autre.
Rien,
C’est une brindille
Qui casse sous la joue.
Rien,
C’est dans un rocher
Un peu de mer qui brûle.
Rien,
C’est la liberté
Qui blesse vos pieds nus. »

.

JEAN  SENAC

.

 

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L'HOMME OUVERT


Cet homme portait son enfance
sur son visage comme un bestiaire
il aimait ses amis
l'ortie et le lierre l'aimaient

Cet homme avait la vérité
enfoncée dans ses deux mains jointes
et il saignait

À la mère qui voulut enlever son couteau
à la fille qui voulut laver sa plaie
il dit "n'empêchez pas mon soleil de marcher"

Cet homme était juste comme une main ouverte
on se précipita sur lui
pour le guérir pour le fermer
alors il s'ouvrit davantage
il fit entrer la terre en lui

Comme on l'empêchait de vivre
il se fit poème et se tu

Comme on voulait le dessiner
il se fit arbre et se tu

Comme on arrachait ses branches
il se fit houille et se tu

Comme on creusait dans ses veines
il se fit flamme et se tu

Alors ses cendres dans la ville
portèrent son défi

Cet homme était grand comme une main ouverte.

.

JEAN  SENAC

.

 

POEMES ILIAQUES

J’aime écrire parce que c’est
Te couvrir de caresses,
Nommer ta chair dans plus féroce au-delà,
Et boire, à même nos songes,
D’une même bouche épurée,
Ces mots fous de soleil et d’orange sanguine!

.

JEAN  SENAC

 

Miroir de l'églantier

Feu de sarments dans tes yeux
Feu de ronces sur tes joues
Feu de silex sur ton front
Feu d'amandes sur tes lèvres
Feu d'anguilles dans tes doigts
Feu de laves sur tes seins
Feu d'oranges dans ton coeur
Feu d'oeillets à ta ceinture
Feu de chardons sur ton ventre
Feu de glaise à tes genoux
Feu de bave sous tes pieds
Feu de sel et feu de boue
un incendie réel
tout droit sur la falaise
un faisceau de saveurs
où je me reconnais

Mère ma ténébreuse

.

JEAN  SENAC

 

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  • : Pour les passionnés de Littérature je présente ici mes livres qui sont edités chez DAR EL GHARB et EDILIVRE. Des poèmes aussi. De la nouvelle. Des traductions – je ne lis vraiment un texte que si je le lis dans deux sens.
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